ECHO DE ST-PIERRE N° 5, Juin 1988

LA VIE QUOTIDIENNE AU BOURG


En remémorant mes jeunes années scolaires, je voudrais vous rappeler la physionomie de notre bourg de Kerber antérieurement à l'année 1914.
Le bourg de St Pierre actuel n'a guère changé dans l'ensemble, exception faite des immeubles détruits au cours de la dernière guerre et qui, reconstruits, lui ont donné un tout autre cachet et surtout du confort.
Je revois notre rue principale et unique sillonnée par un tramway dont les rails, par endroits, créaient souvent un obstacle infranchissable pour maints cyclistes qui prenaient brutalement contact avec le pavé. Les jours de marché, des chars à bancs attelés de bidets ou des voitures charretières aux roues grinçantes, donnaient un semblant d'animation. Certes, la circulation n'était pas aussi intense qu'aujourd'hui. L'automobile était un luxe et se résumait à quelques unités attirant sur son passage un monde éberlué à la vue d'une machine fumante. La rentrée et la sortie des classes animaient notre, bourgade lorsque, arpentant les trottoirs pour s'y rendre ou s'en revenir, la majorité d'écoliers dotés de sabots de bois, principalement en hiver, signalait leur passage sur le pavé qui en résonnait.
D'autre part, la jeunesse, sans pitié, était à la recherche de l'amusement et saisissait toutes les occasions. Les plus actifs étaient les garçons qui, en passant devant un certain commerce, prenaient un malin plaisir à exciter un petit chien au pelage roux, ayant à son actif nombreux coups de crocs dans les mollets de ses provocateurs.
Les sobriquets étaient à la mode et il suffisait que le hasard mette sur leur chemin les personnes ainsi cataloguées qu'immédiatement toute la bande commençait à le proférer à haute voix et s'enfuir sur le champ pour échapper aux conséquences de la capture par les personnes ainsi offensées,
Je me demande d'ailleurs pour quelle raison , certaines gens étaient gratifiées ainsi. Je me rappelle qu'une brave femme laborieuse, peut-être simple d'esprit, était interpellée sous le nom de " Marie petit soldat" étant cependant d'une taille au-dessus de l'ordinaire.
En dehors de cette animation, à des heures fixes, c'était le calme complet troublé certains soirs par l'apparition du grand Louis, toucheur de bestiaux, se signalant 100 mètres à la ronde, et qui, pour mener un troupeau de bêtes paisibles en route vers le sacrifice, poussait des grands cris, sans doute pour marquer son passage.
Après l'angélus du soir, la rue devenait quasi déserte, l'habitant rentré chez lui prenait le repas du soir. L'hiver, une lampe à pétrole ou une chandelle éclairait le logis familial. Il n'était pas question d'écouter la radio et encore moins voir la télévision. Aussi, le repas achevé, tout le monde regagnait la chambre commune dans bien des foyers car le chef de famille était matinal pour se rendre à son travail. Toute la vie de notre bourgade se résumait ainsi du 1er janvier au 31 décembre.

à suivre...




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ECHO DE ST-PIERRE N° 6 - 7 Juillet-Août 1988

LA FETE AU BOURG

Les jours de fête, à l’exception des fêtes religieuses, étaient rares, et en dehors du Mardi Gras, de la Mi-Carême, du 14 juillet et du pardon plutôt religieux que profane, chacun vaquait à ses occupations journalières.
Le Mardi Gras et la Mi-Carême, c’était l’occasion pour les jeunes de fouiller les greniers ou caves, quelques jours à l’avance. Pour la circonstance, on savait se montrer ingénieux, les déguisements hétéroclites suppléaient le manque d’argent, un masque conçu dans du carton complétait d’accoutrement. Ainsi aguichés et par groupes, chacun se faisait un plaisir de renforcer les bandes qui défilaient vers le bourg, se manifestant avec des airs à la mode, dont le plus célèbre était réservé aux cloches de St-Pierre Quilbignon et à la qualité de son vin.
En pays Yannick, ces fêtes étaient marquées par un défilé qui attirait la foule, car les travestis étaient de toute autre conception, et je me rappelle d’y avoir assisté.
Quant au 14 juillet, dans plusieurs maisons, le drapeau tricolore apparaissait aux fenêtres pour marquer la fête de la République. La Mairie, annexée depuis à l’école communale du bourg, voyait, pour la circonstance, son balcon pavoisé aux couleurs nationales, et d’une série de lampions qu’on allumait dès la nuit.
La fête débutait par une distribution de vivres aux indigents plus nombreux que de nos jours. M. le Maire avec son écharpe, entouré des conseillers municipaux, passait en revue notre corps des sapeurs-pompiers qui, sous les yeux de nombreux administrés, clôturait cette inspection par la mise à l’épreuve de l’unique pompe à bras.
Différents jeux étaient organisés pour la jeunesse : courses, mât de cocagne et le portique dressé au-dessus du lavoir, avec un chapelet de saucissons. Les concurrents attirés par ce casse-croûte intéressant, s’élançaient du muretin surplombant le doué, pour employer le dialecte local, et avaient la satisfaction, dans l’ensemble, de ramener l’objet de leur convoitise, après un bain forcé et sous les rires et cris des nombreux spectateurs.
Le soir, sur notre champ de bataille, avait lieu le traditionnel feu d’artifice pour clôturer la fête, et toute la population se faisait un plaisir d’y assister en s’empressant de garnir le mur d’enceinte de l’enclos paroissial bien avant la mise à feu.
Le pardon, comme je l’ai dit, était avant tout religieux. Toutefois, pour marquer l’événement, quelques boutiques foraines s’installaient sur la place. L’unique attraction se composait d’un manège de chevaux de bois. Celui-ci, à défaut de moteur, était mis en marche par un mulet, qui, en fin de journée, avait bien gagné son avoine. Un orgue de barbarie ne cessait, pour attirer les gens, de nous donner les même rengaines, et j’avoue qu’à chaque arrêt de notre manège, les chevaux voyaient apparaître des cavaliers de tous âges, heureux de faire un tour sur les chevaux de bois.
Au début octobre, la foire St-Michel, qui se tenait sur les glacis, incitait les Quilbignonnais à traverser le grand pont. C’était le jour du rendez-vous de la population citadine et rurale.

En dehors des nombreuses attractions et le blabla des camelots, l’intérêt de la foire se cantonnait par l’étalage des vieilleries sorties des greniers et caves, vêtements démodés ou usagés, literies poussiéreuses et ustensiles divers. Ces articles retenaient l’attention de bon nombre de gens, et trouvaient preneurs, étant donné la modicité du prix demandé dans l’ensemble. C’est donc à juste titre que cette foire fut dénommée foire aux puces.


F. KERGONOU