ECHO DE ST-PIERRE N° 9 - Octobre 1988

LE CHATEAU DES “RODELLEC DU PORZIC

Michel Floch a publié diverses études dans les “Cahiers de l’Iroise” dont celui ci-dessous. Nous vous le donnerons en deux parties.

Tout au long des siècles, les Rodellec ont été nombreux parmi les écuyers, chevaliers et officiers de toutes armes. L’un d’eux, Jean-Robert-René, fut maire de Saint-Pierre en 1829, puis de 1836 à 1848.

LE PREMIER CHATEAU.
La construction de la première demeure des Seigneurs du Portzic ne peut être fixée avec précision, le millésime 1621 se lisait sur un ancien château qui s’écroulait de vétusté en 1766, mais cette date devait être celle de la restauration d’une des ailes d’un plus ancien château, car dès 1615 , nous savons qu’un des seigneurs du Portzic obtint de l’évêché de Léon l’autorisation de construire la chapelle du manoir qui fut dédiée à Sainte Anne (dix ans avant la pose de la première pierre de la basilique de Sainte-Anne d’Auray).

Roberte de Kerléan, dame du Portzic, épouse de Ronan-François de Rodellec, fit refaire le château tel qu’il était avant l’écroulement de 1766. Il devait donc être en excellent état à la Révolution de 1789, qui fit fuir la famille du Portzic en Angleterre, avec tant d’autres familles nobles.

En 1794, terres, château et chapelle furent vendus comme biens d’émigré. L’acquéreur de la chapelle la rasa jusqu’au niveau du sol, mais par la suite, ayant eu des ennuis financiers, il dut revendre le tout pour désintéresser ses créanciers.

Leurs descendants sont toujours propriétaires de ce domaine, sur lequel s’élève la chapelle bien connue des Brestois. Nous devons à l’amabilité de l’un d’entre eux de pouvoir donner quelques précisions sur le berceau de cette famille, qui vécut sur cette terre du Portzic pendant plus de 500 ans, et y contracta de nombreuses et brillantes alliances avec plusieurs familles nobles de la région. Nous compléterons ces renseignements de première main par notre documentation personnelle. Elle est très incomplète, car ce manoir, niché dans le creux d’un vallon qui descend vers le goulet, abrité autrefois des vents du large par les nombreux arbres qui l’entouraient, ne semble pas avoir tenté la plume des historiens de nos gentilhommières bretonnes. Regrettons-le, car aujourd’hui, il n’en reste aucun vestige. On retrouve seulement les pierres de l’ancien manoir (avec les armes de la famille), qui ont été utilisées pour reconstruire la maison du gardien des terres et de la chapelle.

UNE VIEILLE FAMILLE NOBLE DE QUILBIGNON.
Les archives familiales révèlent que vers la fin du 14ème siècle, un Le Rodellec épousa une demoiselle Quilbignon. Dès le 15ème siècle, les Le Rodellec sont mentionnés seigneurs du Portzic. En 1503, un Pierre Le Rodellec, seigneur du Portzic est inscrit au nombre des vassaux de la Motte-Tanguy ; il servait comme archer dans la garnison de Brest. De Fréminville, dans les “Antiquités du Finistère" signale (p. 405) qu’aux montres du Léon de 1503, ce Pierre Rodellec qui n’avait pu se joindre aux autres seigneurs de Quilbignon, était excusé par le capitaine de Brest “pour ce qu’il est de sa place”. Le “Bulletin de la Société Académique” (1885-86 p. 435) signale comme présent à la montre de Lesneven du 22 août 1544 parmi les “archers à un cheval”, un Mathurin Le Rodellec (cité par les “Cahiers de l’Iroise” d’avril-juin 1957 p. 42). Un François Le Rodellec, seigneur du Portzic en Quilbignon, est maintenu noble d’extraction en Bretagne le 9 janvier 1609... etc ... etc...

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ECHO DE ST-PIERRE N° 10 - Novembre 1988

LE CHATEAU DES “RODELLEC DU PORZIC” (suite et fin)

Le château de 1766 dut subir des transformations au lendemain de la Révolution, si l’on s’en rapporte à la description qu’en a faite le Baron de La Pylaie, après une visite au château de M. Jean-Robert-René du Porzic, maire de la commune de Saint-Pierre Quilbignon. Au cours de l’été 1845, il s’y rendit par ce chemin en corniche qui venait d'être creusé dans le flanc de la colline, et qui fit de la jolie plage sablonneuse de l’anse Garin (la Maison Blanche) une grève recouverte d’une hauteur de plus de deux mètres de pierres. Il visité “l’utile phare” qu’on construisait sur la pointe du Porzic et qui n’était encore extérieurement, le 9 juillet 1845, qu’à sa “9ème assise de moellons en beau granit”. Poursuivant sa promenade, il arriva devant “les murs qui entourent le manoir, niché dans le creux d’une falaise qui domine le goulet de Brest au Sud et la plage de Sainte-Anne à l’Ouest”.

Il note que “si le manoir a perdu le caractère d’ancien château que lui donnaient un fossé au pied de ses murailles, et quatre tourelles appliquées à ses angles, il a tout gagné à sa métamorphose”... “au bout de sa façade au midi, est une petite serre où Monsieur du Porzic a su réunir les végétaux utiles, à ceux qui ne sont que l’ornement. Un charmant jardin, au pied des salons, est encadré par les bocages qui abritent des vents de mer toutes ces plantations ; elles y sont pleines de vie, et d’une telle vigueur que, loin d’être là comme une oasis sur une côte nue, âpre et déserte, on se croirait dans les riantes plaines de l’Anjou et de la Touraine. Presque toutes les plantes du midi pourraient croître sur cette extrémité de l’Europe où le froid rigoureux des hivers, émoussé par la température de plus 7° des eaux de l’Océan, admet toutes ces espèces qui réclament les serres d’Orangerie sous le climat de Paris...” (journal “l’Armoricain” du 21 août 1845).

Le feu prit un jour dans ce riant manoir, le détruisant en partie. Le domaine du Porzic était passé de M. Jean-Robert à son fils Emile, puis au fils de ce dernier, Adrien, officier d’infanterie, qui ne venait au Porzic que pendant ses congés. C’est en son absence, en février 1897, que le feu prit dans une des ailes qui fut entièrement détruite. On a supposé qu’un feu de cheminée fut à l’origine de ce sinistre. Cette aile restante laissait clairement apparaître cette partie sinistrée.

Le 15 avril 1943, les Allemands faisaient évacuer le manoir et les fermes environnantes pour s’y installer. Ils y restèrent jusqu’à la Libération, les gardiens trouvèrent à se loger dans un des hôtels qui bordent la plage. Pendant les combats d’août 1944, tout le domaine fut bouleversé de fond en comble par les bombes, et le manoir lui-même entièrement détruit le 17 septembre 1944.

La chapelle reçut elle-même plusieurs éclats, le tableau placé au-dessus de l’autel fut percé de deux balles, mais les dégâts furent réduits au minimum, et elle est restée debout.

Le 29 mars 1929, elle avait été incendiée accidentellement, et rapidement restaurée par les soins de la famille de Rodellec. M. le chanoine Coëffeur en fut nommé chapelain en 1940 et sous l’occupation, aux prix de nombreuses difficultés, logé lui-même dans la mansarde de la minuscule sacristie, il ne marchanda pas sa peine au service des habitants de ce quartier.

Il s’ingénia, avec beaucoup d’à-propos, à atténuer, sinon à détourner les ordres sévères des occupants, et entreprit de décorer l’intérieur de ce sanctuaire, seul témoin, combien modeste, de ce qui fut le domaine d’une grande et noble famille bretonne.