ECHO DE SAINT-PIERRE N° 101 Mai 1998

L’ESPRIT DE MAI 1968 - LA C.S.F. A BREST


...”c’est la fièvre de la Jeunesse qui maintient le reste du monde à la température normale : quand la jeunesse se refroidit, le reste du monde claque des dents...”
Georges BERNANOS.

En 1968 la jeunesse avait la fièvre : elle était venue, cette fièvre, jusqu’à nous, de ville en ville, d’université en université, d’usine en usine.
Elle était espérée depuis de longs mois, et dans ce vieux monde où tout était bloqué, où plus rien de nouveau n’était possible, l’espoir jaillissait de faire enfin quelque chose de mieux, de plus généreux, de plus humain, de plus exaltant.
C’était il y a 30 ans, la CSF de Brest fut l’un des fers de lance d’idées nouvelles et de leur application.
Quand j’entends aujourd’hui parler de MAI 68 (à la radio, à la télé, dans la presse), je ne reconnais rien de ce que nous avons vécu et qui nous reste : on nous parle de barricades, de pavés et d’étudiants (le spectaculaire), mais jamais de ce qui est important pour tous ceux qui ont vécu les événements.
Laissons aux historiens l’énumération des faits et leur analyse ; quant à nous, réfléchissons à ce que cela a changé dans nos comportements, nos manières de penser et d’agir, c’est-à-dire ce qui a modifié notre vie, de MAI 68 à aujourd’hui.
En effet, malgré les espoirs de certains, il n’y a pas eu de révolution, ni politique, ni sociale, ni économique. Les entreprises ont bien digéré, à coups de répression et de réorganisation, ce choc qui les a ébranlées; les structures politiques aussi.
Alors, ne s’est-il rien passé en MAI 68, en dehors des acquis matériels importants ? MAI 68 à la CSF de BREST fut avant tout, la libération des idées et de la parole associée à la remise en cause dans tous les domaines, d’un ordre établi, et qui ne convenait plus.
Si ce que l’on vit ne convient pas, nous le remettons en cause, et nous cherchons, par la réflexion et la pratique, une autre manière de travailler et de vivre : c’était ça la fièvre de la jeunesse. C’était cela chaque jour, chaque heure à la CSF de BREST en MAI 68, et ce fut cela l’essentiel.
Devant nous, il y avait un vide, laissé par le pouvoir qui avait disparu : c’était comme si; pour avancer, il fallait combler ce vide sous nos pas, par des propositions concrètes, dont le liant était : la volonté de plus de justice, d’égalité, d’humanisme, et ce furent :
- l’autogestion
- les commissions ouvrières
- l’élection des dirigeants
- la fin des privilèges
- la place des femmes
- la réduction de la hiérarchie des salaires
- la formation pour tous, etc...
JUIN vit la fin du mouvement. Une semaine après tout le monde, la CSF de BREST cessa l’occupation.
Nous voulions une totale démocratie dans l’entreprise (pourquoi pas ?) ; il y eu des résultats matériels, bien sûr, de la répression aussi. Mais surtout, il est resté ancré au coeur de beaucoup, cet esprit de remise en cause et de propositions ; ne pas admettre ce qui est établi comme immuable, mais au contraire, analyser le présent pour, par l’action, faire un avenir meilleur pour tous.
Aujourd’hui, la société d’exclusion est la nouvelle réalité ; certains sont de plus en plus riches, parce que d’autres sont de plus en plus pauvres... L’esprit de MAI 68 est toujours d’actualité.


Alain CREAC’H.