ECHO DE SAINT-PIERRE N° 116 - Octobre 1999

Ces lieux de nos racines religieuses

    C’est dans la seconde moitié du premier millénaire que l'Armorique celtique et romaine devint progressivement chrétienne et bretonne. Durant cette période l'influence de la religion, importée d'outre Manche, allait imprégner en profondeur l'âme bretonne au point de façonner durablement sa culture.

    Nos anciens furent, en ces temps reculés, les précurseurs et les promoteurs d'une croyance idéalisée à laquelle ils consacrèrent leur vie entière. Dans la recherche de son identité, la Bretagne naissante fut contrainte, après de nombreuses luttes, de se placer sous la tutelle des rois francs. Ce n'est qu'en W avec l'avènement d'une nouvelle génération de "rois" bretons (Nominoë, Erispoë, Salomon et Alain le Grand) que le pays put confirmer son indépendance territoriale, ethnique et culturelle. Mais à la mort d'Alain le Grand en 907, le pays divisé ne put résister à l'invasion des normands, ces hommes venus du nord (north men). Ce fut le début d'une longue période d'obscurantisme qui allait gravement altérer l'âme bretonne.

    Jusqu'en 913, date de sa dévastation par les normands, l'abbaye de Landévennec (fondée par Gwennolé) fut à l'origine d'un rayonnement religieux considérable qui se propagea à la Cornouaille et au Léon et qui dura plus de quatre siècles. Notre pays de statue de Quilbignon jouxtant la rade de Brest fut aux premières loges de ce rayonnement. La règle bénédictine, créée par Benoît de Nurcie, fondateur de l'abbaye du mont Cassino en Italie, et réformée par Benoît d'Aniane, ne s'imposa que fort tard aux moines de Landévennec (vers 818). Entre temps nos moines se conformaient aux' usages du culte irlandais encore emprunts de culture celtique. Cette liberté d'appréciation ne plaisait pas à Rome, Charlemagne. et ses successeurs promirent d'y mettre bon ordre. L’Eglise bretonne sera contrainte au cours des siècles de se réformer et d'abandonner ses vieilles coutumes sans oublier pour autant ses « saints » fondateurs aux origines celtiques et insulaires. Afin de garder le souvenir de cette époque, un moine érudit du nom de Wromonoc (lire Ourmonoc ou Gourmonoc) écrivit en 884 la vie fabuleuse (donc embellie) de Pol Aurélien, premier évêque du Léon, qui vint au début du Vlème siècle évangéliser le pays.

      Il n'est pas étonnant de retrouver encore aujourd'hui un certain nombre d'indices, rappelant cette époque, notamment dans la dénomination de divers lieux. A Saint-Pierre-Quilbignon plusieurs noms de lieux ont changé au fil des siècles, d'autres ont été déformés et leur signification originelle en a été oubliée.

En 1690 un hydrographe du nom de Jongleur est venu à Quilbignon pour répertorier les sources disponibles afin de ravitailler en eau potable les vaisseaux de la marine royale. Il nous a laissé un mémoire qui signale un endroit, propice à la captation des eaux, du nom de Port Bergide ou Brigide (Berc'hed en breton). Ce lieu n'est autre que les Quatre Pompes où fut construit plus tard une aiguade, et que nos anciens bretons avaient placé sous la protection de sainte Brigide, patronne de l’Irlande et fondatrice du monastère de Kildare.Il y eut également, aux temps anciens une chapelle sainte Brigitte (transformation de Brigide), non loin du bourg de Saint Pierre. François Kergonou nous a parlé d'une fontaine et d'un lavoir du même nom, près du Barullu.

Dans l'anse suivante à port Brigide, Jongleur remarque des sources, -d'un bon débit au lieu qu'il nomme port Hourarné, la Maison Blanche à présent. Cette dénomination est à rapprocher avec d'autres appellations de lieux, proches de la Maison Blanche et figurant sur les vieux cadastres, telles que le moulin de Ponthouarnec, le hameau de Lanhouarnec (à l'emplacement du camping du Goulet) et la fontaine de Lanhouarnec ( la fontaine de l'ermitage d'Hervé). Le rapprochement avec Lanhouarneau près de Lesneven, est évident. C'est dans cette paroisse qu'un moine du nom d'Hervé (Hoarné ou Hoarvé en breton) fit construire un monastère. Ce moine qui vécut au VIème siècle était aveugle de naissance et avait dit-on un loup pour compagnon. Ce moine professait la règle de saint Colomba qui formait avec sainte Brigide et saint Patrick la triade thaumaturge de l'Irlande. Les moines évangélisateurs de Landévennec: semèrent une foi populaire et naïve, que les siècles oublieux n'en finissent pas d'effacer. Face à cette érosion culturelle, sachons garder en notre cœur la récolte laborieuse du souvenir.

M. Baron