ECHO DE SAINT-PIERRE N° 121 - Mars 2000

LA SOCIETE DES JARDINS OUVRIERS DE SAINT-PIERRE QUILBIGNON

Les jardins ouvriers apparurent avec la société industrielle dans beaucoup de sites industriels et miniers d’Europe. En les développant, des employeurs y voyaient un moyen d’attacher l’ouvrier à l’usine tout en le maintenant dans sa famille et loin du cabaret.

En France, le promoteur en fut, en 1896, l’Abbé LEMIRE qui faisait du jardin un instrument de réforme politique. Les jardins ouvriers étaient une des réponses au problème de société de l’époque mais la connotation idéologique n’était pas absente à travers paternalisme et contrôle social.

La Bretagne n’était pas la région où se développait le plus rapidement les jardins ouvriers. Aussi, le congrès des jardins ouvriers de Bretagne, en 1907, adopte une série de vœux :

1 - que les conférences St Vincent de Paul substituent aux bons de pain des bons de jardin

2 - que les mutualistes établissent des jardins pour leurs membres

3 - qu’on intéresse aux oeuvres des jardins ouvriers les groupements de jeunes et les élèves des collèges

4 - que des jardins scolaires soient rattachés aux écoles et aux patronages.

 Les premiers jardins ouvriers dans le Finistère verront le jour à Châteaulin en 1900 puis se propageront dans le département et notamment à Brest en 1905.

A St-Pierre-Quilbignon, s’était aussi créée une société des jardins ouvriers et les premières implantations se firent sur le glacis du fort de Kéranroux.

Jean Venec, notre référent mémoire de ce secteur se souvient bien de ces petits jardins bien tenus, aux abris de jardins enterrés, où les familles venaient pique niquer et jardiner le dimanche et aussi des concours annuels qui y étaient organisés.

La société recherchait des terrains disponible dont elle obtenait la mise à disposition où qu’elle louait. Ensuite elle les répartissait entre ses membres moyennant cotisation, à charge à ceux-ci de le cultiver et d’en jouir pour le seul besoin de leur famille.

Le bénéficiaire s’engageait à travailler lui-même son lot avec soin et à le fumer convenablement. Il s’engageait aussi à vivre en bonne intelligence avec les voisins, à respecter et à faire respecter leurs jardins comme le sien propre.

Il était recommandé aux chefs  de famille de veiller à ce que leurs enfants ne fassent pas de dégât aux arbres, aux talus ni aux jardins voisins. Chacun était appelé à assister aux conférences d’agriculture qui étaient organisées ; la tenue exacte des dépenses et produits du jardin était conseillée, ceci pour récompenser celui qui avait le meilleur résultat.

C’est qu’une émulation existait ! la société organisait chaque année une fête lors de laquelle un jury décernait des prix pour l’attribution desquels était prise en compte la bonne tenue du jardin, la production des légumes, le bon rendement, le bon entretien des allées et des clôtures et la bonne observation du règlement intérieur.

Avec la guerre de 1939/45 les jardins ouvriers se révèlent des outils du moment. Il faut pallier à la pénurie alimentaire. Aussi la production de légumes à destination familiale est-elle encouragée. Victor Eusen, le maire de St-Pierre-Quilbignon, le rappellera fortement lors de la remise des prix qu’il présidait le 22 juin 1941.

 La Société était confrontée à des réquisitions de terrains par les allemands et un dédommagement était recherché pour les sociétaires concernés.

Aussi, ne faut-il pas s’étonner d’une lettre adressée cette même année 1941 à un sociétaire concessionnaire d’un terrain au Rouisan. Il était signifié à celui-ci “qu’il était inadmissible de constater, dans les temps difficile que nous traversons, que des parcelles de terrain mises à disposition de certaines familles étaient encore inexploitées”. La parcelle leur est retirée et “mise à disposition d’une famille de 5 enfants qui en ferait un meilleur usage”.

En 1943, la société gérait 120 parcelles. Que cultivait-on dans ces parcelles ?

Le compte rendu de la commission chargée d’attribuer les prix en 1942 note “que la reine des jardins ouvriers est la pomme de terre, que les petits pois ont une belle allure, qu’il en est de même des carottes et de nombreux autres légumes courants ainsi que des scorsonères. Elle a pu constater l’absence de panais et de rutabagas ; ces derniers auraient pu rendre de grands services à la ménagère : la confection de la soupe aux légumes.  Il en est de même pour le céleri rave dont les racines peuvent être préparées de diverses façons,  les feuilles servant à corser le potage du samedi ou du dimanche des familles ouvrières”.

L’activité de la société des jardins ouvriers de St-Pierre-Quilbignon se maintiendra après la guerre, elle se mettra en sommeil en 1955.

Les jardins ouvriers  n’ont pas disparu du paysage. Il en existe sur la CUB. Et finalement, un siècle après leur création ils ont conservé toute leur pertinence. Sous l’appellation de jardins ouvriers, de jardins familiaux, de jardins d’insertion et de solidarité, de jardins thérapeutiques, collectivités, associations, en font des outils de convivialité, d’insertion, d’éducation à la nature, de stabilisation individuelle.

Jean Pierre MADEC