ECHO DE SAINT-PIERRE N° 126 - Octobre 2000

LE GRANITE : LA PIERRE NOBLE


   
Depuis des millénaires dans notre région de Bretagne le granite fut considéré comme le matériau noble par excellence au point, qu'il y a 4000 à 6000 ans, nos ancêtres, de l'époque mégalithique, l'employèrent pour ériger des dolmens et des menhirs en relation avec leurs croyances et le culte de leurs morts. La dénomination usuelle concernant la pierre de granit (sans e) recouvre une appellation large et générale dont le granite (avec un e) forme une variété particulière qui abonde dans notre sous-sol. Ainsi la roche granitique la plus courante dans le Finistère Nord (le granite) est d'origine magmatique et éruptive, formée à la fin de l'ère Primaire, il y a quelques 3OO millions d'années, à la suite de différents plissements hercyniens.  Cette roche à structure grenue plus ou moins fine est composée principalement de quartz, de feldspath alcalin et de mica.

    A Brest, de grands bâtisseurs, tels : Pierre Massiac de Sainte-Colombe (ingénieur sous Vauban), Antoine Choquet de Lindu et Jean-Nicolas Trouille, apprécièrent les qualités de cette pierre qu'ils employèrent largement dans leurs différentes constructions

    Le gisement granitique qui fut, au cours des siècles derniers, le plus exploité pour la qualité de sa pierre et pour sa proximité de Brest fut celui du bassin de l'Aber-Ildut. Son exploitation fut largement dépendante de l'activité de la construction brestoise qui connut des hauts et des bas comme le démontre une lettre de 1774, émanant du recteur de Lampaul-Plouarzel : Armel Iliou, adressée à son évêque, François de La Marche. Il y décrit l'état de misère des tailleurs de pierres de sa paroisse, occasionné écrit-il par " une grande diminution du débit des pierres de taille pour le roi à Brest, (activité) qui faisait le meilleur commerce de sa paroisse il y a quelques années".  Outre les tailleurs de pierres et autres carriers, cette activité au plus fort des besoins brestois, faisait vivre plusieurs familles de marins et de pilotes de gabarres. Une importante flottille de ces solides bateaux était mobilisée pour le transport de la pierre.

    Les réalisations démontrant l'utilisation intensive du granite ne manquent pas, plusieurs phares, quais, bassins, forts, redoutes et autres constructions sont encore visibles, défiant les siècles de leur supériorité matérielle. A Saint-Pierre-Quilbignon, trois importantes réalisations nécessitèrent l'emploi de pierres de taille. La construction à partir de 1776 de l'enceinte fortifiée entourant Brest, composée par les forts du Porzic, de Montbarey et de Penfeld et des redoutes de Keranroux et du Questel Bras. La construction à partir de 1910 des bassins 8 et 9 de Laninon dans une zone comblée, gagnée sur la mer. La construction à partir de 1929 de l'Ecole Navale sur le plateau dominant les Quatre pompes. Dans les deux premiers cas le granite de l'Aber-Ildut fut largement employé. Concernant l'Ecole Navale une concurrence sévère permit aux carrières de Huelgoat d'obtenir le marché au détriment de celles de l'Aber-Ildut.

    Le cas de la construction des bassins de Laninon s'avère socialement intéressant à observer. A partir de 1904, date de l'élection à Brest d'une municipalité socialiste, de nombreux conflits concernant des revendications ouvrières vont éclater successivement. La ville va connaître une flambée de grèves qui va durer, avec plus ou moins d'intensité, jusqu'au début de la guerre 14/18. Les ouvriers réclament la diminution du temps de travail (ils font couramment 12 heures par jour ) ainsi que son paiement à l'heure et non plus à la journée ou à la pièce produite.

C'est dans ce climat revendicatif que l'entreprise du bâtiment et des travaux publics « Combarelle et Vergeat », implantée dans le Calvados, s'est vu attribuer l'adjudication des travaux de construction des bassins de Laninon. En quelques mois le terre-plein nouvellement créé de Laninon connaîtra une activité importante au niveau de cette entreprise qui embauchera de nombreux ouvriers. Par ailleurs par autorisation préfectorale cette entreprise pourra exploiter le long de la côte littorale de Lanildut à Melon plusieurs carrières de granite, dont la plus importante est située au lieu dit Le Cléguer. Pour effectuer le transport de la pierre, « Combarelle et Vergeat » n'hésitera pas à prendre des actions dans le cabotage en devenant propriétaire ou copropriétaire de plusieurs gabarres. De 1911 à 1913 l'entreprise subira de nombreuses grèves qu'elle pense contourner en expédiant à Brest des pierres brutes de taille et non plus taillées à la carrière. Les tailleurs de Brest revendiqueront également, contraignant l'entreprise à négocier.


    Après la guerre 39/45 c'est l'entreprise brestoise « Campenon Bernard » qui aura la charge d'agrandir les bassins que la Kriegsmarine a occupés durant le conflit. Mais en 1948, le granite est déjà sur le déclin. C'est le béton qui est roi, ainsi va le progrès qui contribuera à fermer la majorité des carrières,


M BARON