ECHO DE SAINT-PIERRE N° 141 - Mars 2002

Sculptures de cimetière

Dans notre réunir de Léon, les menhirs, les dolmens, les allée couvertes, les tumulus, les cairns. les calvaires, les clochers, les pierres tombales suscitent la curiosité du quidam attentifs à ces monuments en apparence inertes ressucitent dans leur esprit une tranche de vie plus ou moins ancienne, faisant référence à leurs  ancêtres. Pour eux, ces pierres inanimées ont une âme qui se confond avec celle qui façonna l'histoire de la Bretagne et qui lui fut pour des générations le symbole d'un mode d'existence.

En Saint-Pierre Quilbignon toutes les traces du passé sont rares et se dissimulent souvent sous un lierre envahissant ou une mousse rampante. Certains indices ont tout simplement disparus ou, comme l'aqueduc souterrain reliant le bourg à l'anse des Quatre-Pompes, ils demeurent enfouis sous quelques toises de terre, de routes ou de constructions diverses. Au bourg les témoignages d'un passé d'ailleurs fort récent, se découvrent autour de l'église qui date de 1856 et du cimetière qui fut ouvert, dix ans plus tôt, en 1846. Ainsi sur le plan de l'art funéraire relatif an souvenir, on remarque dans l'angle de la chapelle Notre Dame de Lourdes une magnifique croix en Kersanton, due au ciseau de Victor Lapierre. Elle fut élevée en 1871 à la mémoire de nos aïeux dont les ossements furent rassemblés en ce lieu suite à la fermeture du vieux cimetière qui entourait l'ancienne église. En parcourant le cimetière à la recherche de vieilles tombes, on découvre en signatune de ces pierres tombales datant de la fin du XIXème siècle, les noms de sculpteurs; ou marbriers depuis longtemps oubliés. Ainsi le nom de Le Scaon apparaît souvent. Par contre celui de Poilleu aîné et fils, apparaît essentiellement au niveau de tombes de la famille noble des Rodellec du Poitzic. Une signature célèbre se dévoile au bas de la dalle funéraire de l'abbé Kervella décédé en 1889, alors qu'il était le recteur de Saint-Pierre. Il s'agit de celle de Yann Laichantec, né a Plougonven le 30 septembre 1829 et qui est fort connu pour ses nombreuses oeuvres sculpturales, pour la plupart à vocation religieuse.

    Il ne faut pas confondre ce sculpteur de génie avec son ami, le peintre Yann Dargenit ( 1824-1899),  autre personalité célèbre, d'autant que certains bretonnants seront tentés de découvrir dans ce dernier nom une francisation de celui de Larhantec, Ainsi Yann Larhantec pourrait se traduire cri Jean l'Argenté, ce qu'il ne fut pas en réalité, car il mourut dans la misère le 1er janvier 1913. Ce sculpteur exeptionnel qui excellait dans l'art religieux, connut de son vivant une certaine renommée, notamment vers 1890 quand son atelier de Landerneau compta jusqu'à 80 ouvriers.  Mais de caractère insouciant pour ne pas dire utopique et surtout peu intéressé par la comptabilité il laissa es affaires  péricliter. Ses œuvres les plus célèbres sont le tombeau de l'abbé Le Teurnier à Plougonven, le calvaire de Ploudaniel, les croix de mission de Sainte-Melaine de Morlaix et de Landerneau. Son calvaire de Plourin porte les armes de Monseigneur Nouvel, Évêque de Quimper et du Léon. Au cimetière de Plournéventer, dans un style plus profane, il sculpta le buste de François-Louis Soubigou, ancien sénateur du Finistère. Par ailleurs il restaura de nombreux monuments religieux que les révolutionnaires les plus fanatiques saccagèrent sans scrupule en 1793 et 1794. Pour la réalisation de ses nombreuses sculptures il s'inspira de l'air gothique et religieux qui fut en vogue à la fin du XVème et au début du XVIème siècle. Il savait également faire preuve d'originalité; ainsi quand il réalisa la croix de Keralivet, en Plougonven, il dérangea quelque peu les habitudes religieuses en représentant la tête du Christ inclinée sur son épaule gauche et non sur celle de droite, comme le veut les traditions de l'Eglise. On prétend que le recteur de Plougonven en fut outré au point qu'il refusa de bénir la croix. Autre temps dirons-nous, peut être pas quand on se souvient que la représentation moderne, faite au belvédère, de Sainte-Anne du Portzic choqua quelques paroissiens pointilleux. Toujours au cimetière de Saint-Pierre, sur les traces de Yann Lahantec, on petit admirer un magnifique calvaire en kersanton, haut de 9 mètres, qui fut dressé en 1869 et que nous devons au ciseau de l'artiste. Endommagé par les bombardements de 1944, les bras de la croix furent restaurés es 1951, dans un style plus sobre, qui ne peut rendre au monument a beauté originelle. Le socle est orné sur les quatre faces, de magnifiques bas-reliefs représentant les symboles religieux de la crucifixion.

    Ainsi les allées silencieuses d'un cimetière deviennent parfois une source d'inspiration qui interpelle notre mémoire envahie de souvenirs, effaçant la notion du temps, estompant la réalité du moment, faisant renaître à la vie un passé que l'on croyait à jarnais perdu.

M. Baron