ECHO DE SAINT-PIERRE N° 142 - Avril  2002

Marbriers à St-Pierre

    Face à l'entrée du cimetière, non loin de Mesguiader (aujourd'hui appelé le Panier Fleuri), il y avait à la fin du XIXème siècle, une entreprise familiale florissante tenue par la famille Poullaouec. Le père Jean-Louis Poullaouec, un homme énergique, était menuisier de son état, mais il ne dédaignait pas à l'occasion s'adonner à l'art de la ferronnerie. La proximité du cimetière lui fournissait un travail assuré. D'autant qu'à la suite de l'épidémie de choléra de 1866, ce cimetière, pourtant fort récent, datant de 1846, s'avéra trop petit et la municipalité, dirigée par Paul Pochard (1852-1871), fut contrainte en 1867 d'en doubler la superficie. La confection de cercueils, d'encadrements pont les tombes et de grilles forgées étaient de la compétence de Jean-Louis. Ces prestations suffisaient d'ailleurs à la majorité des familles quilbignonnaises, 
qui se contentait pour leurs défauts de tombes modestes, à condition néanmoins qu'elles soient fleuries et entretenues. Pour les plus aisés qui souhaitaient une pierre tombale, ou mieux, un monument, ils devaient faire appel aux marbriers des alentours. Le nom de Le Scaon, marbrier au Grand Turc, figurait au premier rang de ceux-ci. Sa signature au bas de nombreuses dalles funéraires atteste de son intervention. Le Scaon ne fut autre que le prédécesseur du marbrier Kervévan, à qui nous devons la confection du monument aux morts. La 3' génération des Kervévan est aujourd'hui à la retraite. En 1913, à la veille de la grande guerre un cercueil de chêne de 4 cm d'épaisseur valait environ 30 Francs or et une concession perpétuelle 204 Francs or. Le franc valait à cette époque l'équivalent de 332,5 mg d'or. Jeanne Poullaouec, la fille de Jean-Louis Poullaouec, travaillait également dans l'entreprise où elle avait notamment la charge de décorer les tombes avec du maërl. Aujourd'hui le maërl a disparu des cimetières pour être remplacé par des gravillons blancs. Durant la terrible guerre de 14/18 qui fit 323 victimes dans la commune, sans compter les mutilés et les gazés. Jeanne Poullaouec se fit un devoir de soutenir le moral des soldats, en acceptant la charge de marraine de guerre. Le hasard voulu qu'elle fit un échange de 
courrier avec un certain Jean Pédron, né en 1895 à Pouagat, dans les Côtes d'Armor. Il servait dans l'aviation et était instituteur de profession, A l'issue de celle tragique hécatombe, ils eurent la chance de faire connaissance, sur le quai de la gare de Brest, où Jeanne vint accueillir son correspondant attitré qu'elle voyait pour la première fois. La rencontre fut positive, car ils se marièrent en 192 1, à Saint-Pierre Quilbignon, où le couple s'installa. Dès lors c'est tout naturellement que Jean Pédron fut intéressé par les affaires de son beau-père. Très courageux, Jean Pédron entreprit, de développer la vieille entreprise familiale. Pour cela il décida de s'établir en qualité de marbrier et d'agrandir so installation en faisant notamment l'acquisition d'un nouveau terrain, qu'il acheta à Jean-Marie, Jézéquel de Mesguiader. Le travail était dur, il fallait notamment charroyer du port de commerce à St-Pierre des blocs volumineux de kersanton.

Il eut un fils, Yannick, qui devait, en 1956 prendre la succession de l'entreprise. Par son mariage, en 1950, avec Simone Frédéric, Yannick eut deux filles : Elisabeth et Anne. Hélas Yannick Pédron. devait disparaître prématurément à l'âge de 51 ans. Sa fille aînée qui avait épousé Pierre Cadiou, étranger à la professien, devait avec l'aide de son époux, reprendre le flambeau des Pédron et Poullaouec, afin de perpétuer par l'intermédiaire de leur fils François la 5' génération de marbrier à St-Pierre-Quilbignon. Ainsi la succession de Jean Pédron et Jeanne Poullaouec est elle désormais bien assurée, d'autant qu'à l'initiative de Pierre Cadiou l'entreprise familiale s'est agrandie, avec notamment l'acquisition de la marbrerie Kervévan, à Kerfautras. Nous pouvons nous en aller en paix, les successeurs de Jean et Yannick Pédron, que nous avons appréciés de leur vivant, seront là pour s'occuper de nous ; c'est réconfortant de le savoir. sans être pour autant pressé de les mettre à contribution.

M. Baron