ECHO DE SAINT-PIERRE N° 152 - avril  2003

Les derniers remparts fortifications de Quéliverzan

Les remparts de Quéliverzan ne sont pas de Vauban...

Si les premiers remparts construits de 1681 à 1692, d’après des plans élaborés par l’ingénieur du roi, Pierre de Massiac, sieur de Sainte-Colombe, correspondaient bien à la période où Vauban avait autorité à accepter de tels travaux de défense et éventuellement à les modifier, il n’en va pas de même pour les fortifications de Quéliverzan. Ces derniers remparts furent en effet construits quelques 80 ans plus tard par Louis-Lazare Dajot et de ce fait c’est à tort qu’on les attribue parfois à l’inusable Vauban. En effet la première enceinte prévue par Massiac de Sainte-Colombe s’arrêtait, côté Recouvrance à la hauteur du Salou et côté Brest à la hauteur de l’anse du Moulin à Poudre. Dans sa version primitive, l’arrière garde du port se trouvait donc à ce niveau.

Protéger le nouvel espace maritime par le mer et l’intérieur des terres

Quand à partir de 1764, le général du Génie Pierre Filley de la Cote1 entreprit d’agrandir la capacité du port, en approfondissant le chenal de la Penfeld dans sa partie supérieure, comprise entre les hauteurs de Quéliverzan et du Bouguen, l’idée de prolonger plus au nord l’enceinte primitive des remparts, s’imposa comme une évidente nécessité. Il convenait de protéger ce nouvel espace maritime, où devaient loger 20 vaisseaux supplémentaires, par de nouvelles fortifications. Louis Lazare Dajot qui devait construire ces fortifications, de 1773 à 1776, se heurta à un certain Carlet de la Rozière qui proposait une stratégie différente et innovante pour l’époque. Carlet voulait protéger Brest, plus en avant, par une ceinture de forts et de redoutes qui devaient entourer la ville à une distance respectable de une lieue (environ 4 km). Il avait intégré dans sa stratégie les progrès de l’artillerie et la possibilité d’une prise de Brest, à revers, par l’intérieur des terres. Dans sa correspondance avec ses supérieurs et notamment avec Filley, Dajot ne fait pas de secret de son antipathie pour Carlet qu’il juge comme un dangereux intrigant qui se prend pour le nouveau Vauban.

 

Nommé en 1776, commandant de la Province de Bretagne, le marquis de Langeron trancha le débat en faveur des projets défensifs de Carlet et approuva même, suprême humiliation pour Dajot, la démolition des fortifications du Stiff (avant-garde), sises sur les hauteurs de Kerangoff, qui ont été construites en même temps que celles de Quéliverzan. Après quelques tiraillements, Langeron accepta malgré tout que les fortifications de Quéliverzan puissent se prolonger, rive gauche, sur les hauteurs du Bouguen. La porte du Bouguen fut réalisée entre 1778 et 1782. Quant à Carlet de la Rozière, il triomphait définitivement en faisant construire de 1776 à 1785, par les ingénieurs Damoiseau et de Caux les forts du Portzic, de Monbarrey, de Keranroux, du Questel Bras et de Penfeld.

Que reste-t-il ?

Après la guerre 39/45 les vestiges des remparts de Sainte-Colombe (dits de Vauban) ont disparu sous les marteaux piqueurs de monsieur Mathon et nul ne s’en est plaint à l’époque. Aujourd’hui il nous reste les vestiges des remparts de Quéliverzan qui n’ont pas le prestige de son illustre modèle. En cas de restauration il faudra s’en contenter.

M. Baron

1 Pierre Filley de la Cote fut le concepteur de la batterie du cavalier, récemment restaurée en jardin des explorateurs. Cette batterie suscita à l’époque beaucoup de critiques, au point d’être appelée : batterie inutile.