ECHO DE SAINT-PIERRE N° 156 - Octobre  2003

LES ECOLES A SAINT-PIERRE QUILBIGNON

Textes sous la responsabilité de l'association Mémoire de Saint-Pierre

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Rivalité scolaire
à Saint-Pierre-Quilbignon

Le 21 décembre 1881 le préfet du Finistère adresse au gouvernement que préside Jules Grévy, un rapport significatif concernant les rivalités scolaires qui se font jour dans le département. Une simple phrase de ce rapport résume l'ampleur du problème auquel chaque commune se trouve confronté, et qui intéresse au premier chef Saint-Pierre-Quilbignon.

«Il faut, dit le préfet, de toute nécessité que l'Etat fasse les plus grands efforts et au besoin les plus grands sacrifices pour substituer l'instruction laïque et française à l'instruction cléricale et bretonne, dans toute l'étendue du Finistère ».

On ne peut être plus clair sur cette volonté affichée de limiter dans le département la mainmise de l'Eglise principalement sur l'enseignement primaire.

Pour bien comprendre la situation, il convient de se replacer dans le contexte historique de l'époque. Depuis la chute de Mac-Mahon en 1879, la pérennité de la 3ème République se trouve confortée. En 1881, Gambetta, un républicain modéré et populaire, dirige le gouvernement en qualité de président du conseil et surtout Jules Ferry en est le ministre de l'Instruction Publique. Le problème scolaire est donc à l'ordre du jour, comme le confirme la loi du 16 juin 1881, instituant la gratuité de l'enseignement dans les écoles primaires. Une autre loi qui sortira le 28 mars 1882, relative à l'obligation scolaire et à la laïcité de l'enseignement primaire est en préparation.

A Saint-Pierre-Quilbignon, le docteur Robert Tindal Gestin qui vient d'être élu maire, connaît bien le problème car dès 1878, en tant que conseiller municipal, il était déjà intervenu pour demander la laïcisation de l'école communale du bourg. Cette école était dirigée depuis 1852 par les frères de l'instruction chrétienne (ou frères de Ploërmel), congrégation à vocation enseignante fondée par Jean-Marie Lamennais. Dans le contexte de la cohabitation de l'Eglise et de l'Etat ( la séparation interviendra en 1905), les lois Guizot de 1833 et surtout celle de Falloux en 1850 (favorable à l'enseignement catholique) permettaient à des membres de congrégations religieuses de diriger et d'enseigner dans les écoles publiques. Il est vrai qu'avant Guizot, la formation des instituteurs laïcs était plutôt délaissée, notamment par le manque patent d'Ecoles Normales. L'Ecole Normale du Finistère n'a été créée à Quimper qu'en 1873.

Ainsi le 9 juin 1878, malgré l'opposition du maire, Frédéric Arnaud, et au grand dam du clergé la laïcisation de l'école communale de Saint-Pierre est votée par 11 voix contre 6. Les frères de Ploërmel furent contraints de quitter les lieux et laissèrent la place à Monsieur Maréchal qui devint à la rentrée de 1878, le directeur de l'école nouvellement laïcisée. Cette situation était intolérable pour le clergé, au premier rang duquel se trouvait Monseigneur Nouvel de La Flèche, évêque de Quimper et du Léon depuis 1871, anti-républicain avéré, qui fit nommer à Saint-Pierre, dès 1879, un recteur de choc avec pour mission de ne pas se laisser faire et de contre-attaquer .

A peine arrivé, les hostilités commencèrent entre la mairie et la cure. Le docteur Gestin demandera en vain le déplacement du gênant recteur, tandis que ce dernier s'empressait de constituer un comité de soutien financier pour la création d'une école chrétienne, susceptible d'accueillir les frères expulsés. L'opiniâtre recteur, digne de Don Camillo, finira par avoir gain de cause et son école s'ouvrira le 28 décembre 1883, la même année que le patronage de la Légion qu'il créa en compagnie de son vicaire, l'abbé Kerjean.

Dès cette date l'école chrétienne va prospérer et compter plus de 240 élèves en 1891. Parallèlement l'école communale des garçons, devenue laïque, va péricliter et ne comptera plus à la même date que 100 élèves contre 356 en 1883, avant la création de l'école concurrente. En réaction, afin de capter les élèves des Quatre-Moulins, le docteur Gestin décidera d'y construire un groupe scolaire, aujourd'hui transformé en bibliothèque municipale et entreprendra le transfert des filles dans une nouvelle école plus spacieuse qui deviendra plus tard l'école Paul Eluard.

Aujourd'hui le temps a passé et si l'histoire a laissé çà et là quelques traces, nous ne sommes plus dans un contexte d'affrontement et d'hostilité et nous pouvons sans fausse nostalgie avoir une pensée émue pour ces pionniers de l'enseignement qui par delà leurs querelles et leurs convictions opposées ont su donner du dynamisme et développer notre chère ex-commune de Saint-Pierre-Quilbignon, que nous aimons sans arrières pensées et sans aucune volonté de discrimination scolaire.

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L'HABITAT SE DENSIFIE, LE RESEAU D'ECOLES AUSSI

En 1939 il y avait au Bourg de Saint-Pierre deux groupes scolaires, l'un public et l'autre privé, avec chacun son école de filles et son école de garçons. La mixité des écoles ne sera instituée qu'au début des années 1970. Il y avait aussi un groupe scolaire public aux Quatre Moulins et à Kerbonne une école privée tenue par des religieuses, sans oublier une école enfantine privée au Petit Paris. Nous laissons de côté Recouvrance .

La situation est inchangée au lendemain de la guerre. Mais le groupe scolaire des Quatre Moulins arrive à saturation dès 1947 avec environ 1000 élèves en comptant le cours complémentaire. Le nombre de filles dans les écoles publiques reste inférieur au nombre de garçons.

Un nouveau groupe scolaire est créé au Polygône-Butte en 1949. Il est en baraques noires comme les habitations du quartier. Innovation, l'école primaire est mixte. Elle comptera jusqu'à 546 élèves et 20 classes en 1956. La maternelle aura son apogée en 1953 avec 312 élèves et 7 classes. L'école fonctionnera jusqu'en 1974.

Le Landais aura aussi son école en baraques à Queliverzan. L'école est construite "en dur" en 1960. Les baraques ne prendront pas leur retraite pour autant. Elles seront remontées, tant bien que mal, le long de la rue Saint Exupéry, à l'emplacement des remparts rasés, car, avec la construction des tours et de HLM, l'école neuve de Quéliverzan s'avère insuffisante.

A Kerangoff où des HLM prennent progressivement la place des baraques, une école en locaux provisoires s'ouvre en 1955.

Les constructions "en dur" tardent souvent. En février 1963, l'encre gèle dans les encriers des classes en baraques de Brest dont les parents et les enseignants décident d'aller faire une visite avec les enfants à la Mairie qui, elle, est chauffée.

Les baraques noires vont céder la place à des "classes mobiles", plus confortables. Mais parents et enseignants doivent continuer à batailler ferme pour que le "provisoire" ne dure pas trop longtemps, d'autant que les nouvelles "baraques" souffrent lors des démontages et remontages.

Seule exception, à l'époque, le groupe scolaire de Kerargaouyat sera construit directement en dur en 1956 et 1957, au milieu des champs.

L'école de Kerourien, mixte dès le départ, s'ouvre en 1966, mais n'est construite en dur qu'en 1973. La maternelle du Valy Hir s'ouvrira en classes mobiles en 1969, de même que Kernabat. Elles recevront leurs bâtiments définitifs respectivement en 1973 et 1977.

Les trois groupes scolaires de la Cavale Blanche bénéficieront d'un régime de faveur. Ecoles de ZAC (Zone d'Aménagement Concerté), elles sont à la charge la CUB et non de la Ville. Elles seront construites, en 1975, 1977 et 1984, directement en dur et recevront des équipements que les autres écoles leur envient encore.

De nombreux quartiers, à la population installée, voient leur nombre d'enfants scolarisés se réduire. Certaines écoles ne seront jamais construites en dur, telle celle de Saint-Exupéry. A l'emplacement de cette école se trouve aujourd'hui la Résidence de personnes âgées Louise Le Roux. Des bâtiments ont changé d'affectation : les locaux de l'école Georges Leygue ont été attribués à l'école Diwan qui recrute sur toute la ville, un bâtiment de Kerargaouyat a été affecté au centre de loisirs de la MPT...

Nous avons désigné les écoles par le nom de leur quartier, mais plusieurs d'entre elles se sont donné un nom d'écrivain ou de personnalité. Ainsi l'école de Kerourien s'appelle Jean de La Fontaine, celle du Bourg Paul Eluard, celle de Kernabat Jacques Prévert, celle de Kerionoc à la Cavale Blanche Louise Michel.

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UN DES QUATRE MOULINS

Dans le cadre de ce dossier, nous extrayons quelques éléments d’un article de M. DUJARDIN, pris dans le cahier de l’Iroise n° 1 de 1956, qui relatait les mémoires d’un ancien des Quatre Moulins.

Ce dernier naquit en 1871 dans une famille ouvrière. Le père : ouvrier forgeron à St Pierre, puis sept ans de marine avant d’entrer à l’arsenal, la mère couturière de campagne à six sous par jour. Ils habitèrent au Panier Fleuri puis aux Quatre Moulins, et finalement à la « Belle Vue du Polygone ». L’enfant n’entendit parler que breton ; petit à petit on s’exprima en famille en baragouinant le français spécial de St Pierre, des bribes que le papa avait ramassées, de celles que la maman ramenait de ses journées de couturière chez les « gens bien ». Au bout de quelques années, l’Ecole et l’Eglise aidant, le français prit le pas sur le breton.

A six ans, il entra à l’école communale qui faisait l’angle de la grande route et de l’avenue du Polygone, modeste sinon médiocre local scolaire. Ecole mixte où les aînées des grandes classes servaient de monitrices à une ribambelle de gamins.

A huit ans, il quitte l’école enfantine pour entrer à l’école primaire. Dans la classe de M. Laterre ils sont 101 élèves, certains assis, d’autres passant de tableaux en tableaux accrochés au mur, sous la conduite d’élèves plus grands, les moniteurs. Il avait de bons résultats en classe et ce n’était pas toujours bien vu de ses condisciples, et comme il n’était pas très développé physiquement, il lui arrivait de prendre des roustées de ses compagnons.

En mai 1885, il est reçu premier du canton au certificat d’études, qu’il passa à l’école des filles, rue Vauban. Succès qui lui valut un livret de Caisse d’Epargne.

Il n’y avait pas que l’école dans la vie d’un enfant, et au-delà des promenades familiales, il y avait les jeux avec les copains : cerceau avec cercles de barriques, la toupie, pikaroum, toss-toss à la canette (bille), la pelote, la galoche, les boules… Tout cela se jouait à l’entrée du Polygone ou sur le champ, où se faisait aussi le feu de la St Jean (on emportait des cendres chez soi comme préservatrices de l’incendie) et le pardon de juillet.

Il y avait bien sûr les affrontements entre bandes des Quatre Moulins et de Recouvrance, mais le plus grand attrait était la fréquentation des grèves : pointe des blagueurs (embouchure de la Penfeld), Lanninon, Ste Anne, Le Dellec.

Le Directeur de l’Ecole avait l’œil sur notre élève et lui fit présenter l’examen des bourses. Il réussit le concours et put ainsi entrer au lycée pour poursuivre ses études et devenir bachelier.

Pendant ce temps l’ancienne briqueterie des Quatre Moulins qui avait été sa première école, fut remplacée par un bel édifice construit entre la Pierre du Coq et Kastell an Daol. Deux de ses frères la suivaient. Les parents tenaient à la discipline et ne toléraient pas qu’ils fissent « bigne » (de pignot : faire le mur).

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AVANT JACQUES PREVERT

L’Histoire ne retient souvent que les dates des grands évènements ou les noms et réalisations d’élus et autres responsables.

L’école Jacques Prévert, par exemple, n’existe dans ses locaux actuels que depuis 1977, où elle fut inaugurée officiellement.

En réalité, une école maternelle en baraque existait une dizaine d’années auparavant sur le site, au pied d’un talus boisé. Le quartier s’urbanisant, quelques jeunes parents, dont plusieurs frais émoulus des évènements de mai 1968, décident de s’organiser pour créer une école primaire sur Kernabat, et pour cela, un groupe se réunit chez deux d’entre eux, en septembre 1969 avec la directrice de l’école maternelle, Madame JEGOU.

On y décide d’une réunion de parents d’élèves. 40 personnes y assistent, un bureau de 13 membres est formé. Jusque là, l’association des parents d’élèves des écoles publiques de St Pierre regroupait les deux école (garçons et filles) du bourg, celles de Kérourien et de Kernabat, qui y avait deux représentants.

Cette « scission » de Kernabat ne va pas sans tensions au sein des parents d’élèves et dans le milieu enseignant, mais ceci, sans caractère de gravité. Les initiateurs du projet désiraient une école de proximité, présente dans le quartier, et souhaitaient que les parents y prennent leur place.

Démarche auprès des autorités, sensibilisation au projet, première kermesse en 1970, puis création de l’école primaire de Kernabat (qui deviendra plus tard Jacques Prévert) avec ouverture de classes chaque année…

Mais ces « classes en baraques » souvent à la limite de la vétusté, amènent parents et enseignants à réclamer une école en dur.

Elle sera donc inaugurée en 1977. L’action des parents et enseignants aura été déterminante dans cette période, n’en déplaise à ceux qui veulent nier l’utilité de mouvements sociaux.

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ANNEE 1945 LE DIFFICILE REDEMARRAGE

 

Quoique la médiatisation tende à banaliser les guerres et autres conflits, il n’en reste pas moins que pour les populations, au-delà des cruautés subies, toutes sortes de difficultés s’accumulent.

 A St Pierre, les personnes en âge d’être scolarisées dans la période 1939-1945 s’en rappellent.

Par exemple, l’école des frères, qui regroupait 218 élèves à la rentrée de 1939, fut occupée par les allemands en octobre 1940, et fut fermée en février 1943. En 1944, lors des combats de la libération, bombes et obus saccagèrent le bâtiment, et à la fin du conflit, seuls quelques livres de la bibliothèque, quelques meubles réparables furent récupérés.

A Noël 1944, le frère Laurentius est nommé provisoirement directeur de l’école, le titulaire du poste étant prisonnier en Allemagne. Il découvre une cour pleine de débris, des locaux sans toits, ni planchers, ni portes, ni fenêtres…

Il aménagera sous la neige début janvier, et en guise de chambre, occupera un réduit au-dessus de la scène du patronage. Plus tard, il cèdera sa chambre à un autre enseignant, et installera son lit dans sa classe. Le déblaiement, les premiers travaux engagés, deux classes s’aménagèrent, et à la fonte de la neige, le couvreur posera un papier goudronné sur le toit.

Le 19 janvier 1945, c’est la rentrée. Le Frère Directeur et son adjointe, Mademoiselle Marie-Thérèse Bolez, accueillent 50 élèves. L’après-midi, une forte tempête agite les carreaux en Vitral, provoquant un bruit assourdissant, puis soudain, lors d’une grosse averse avec grêlons, les élèves voient surgir ceux-ci dans la classe, le papier goudronné qui s’est déchiré !

Longtemps élèves et enseignants grelotteront, puis, au fil du temps, les travaux de remise en état se feront. Et puis, le 28 juillet 1947, suite à l’explosion du « Liberty-Ship » à Brest, nouveau sinistre : fenêtres arrachées, vitres brisées, plafond affaissé, cloisons disloquées, et… celle de la chambre du frère Laurentius arrachée !

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La petite école de Pen Ar Valy

 

La première école du Petit.-Paris fut ouverte en 1850. Une demande à ouvrir une école, par Mlle Marie Tanet fut accordée le 26 avril 1850. Elle était dirigée par Mme Lullien ( née Tanet), les cours avaient lieu à l’emplacement de l’actuel n° 93 de la rue Anatole France. Cette dame dut quitter St Pierre pour habiter Brest, vers 1866. Vers 1868 l'école fut transférée au n° 99 dans une maison appartenant à la famille Plougoulm.

En 1873 la directrice de l'école du Bourg, Madame Cloastre, obtint que sa fille lui soit adjointe. Elle fut remplacée au Petit-Paris par mademoiselle Amélie Plougoulm. Par une singulière coïncidence, c'est sur un terrain, ancienne propriété de la famille Plougoulm que s'est bâtie l'école St André.

A cette époque l'école du Petit-Paris fut très fréquentée. A la classe enfantine on ajouta un cours moyen et de nombreux succès attestèrent la valeur de l'enseignement qui y était donné.

Au même moment, le bourg possédait une école enfantine, route de Kéranroux. Mr Guyomar, connu de tout Saint-Pierre sous le nom de tonton chantre, y recevait les tout petits enfants.

Vers 1886, sa nièce Mlle Jeanne le Guirriec , continua l'école du Petit Paris au rez-de-chaussée de la maison de deux étages appartenant à Mr Bizien route de Pen-ar Valy, Puis de l'autre côté de la route dans la maison que construisit son oncle (aujourd'hui rue Cuirassé Bouvet).

Les religieuses de la Sagesse prirent la suite de Mlle Guirriec vers 1886 et agrandirent l'école primitive (No 1 et 3 rue Cuirassée Bouvet en 2001). Il fallut le départ des religieuses (13 janvier 1911) pour priver ce quartier d'une école, dont l'augmentation de la population rendait chaque jour plus nécessaire.

Après 22 ans d'interruption elle resurgit de terre. Elle fut inaugurée le 24 septembre 1933 sous le nom de l'école St André. Elle a été construite par Mr Yves Petton entrepreneur, sur un terrain appartenant à Mr Le Bourt. L'empressement des familles à envoyer leurs tout petits montre qu'elle répondait à un réel besoin, à mi-distance des Quatre Moulins et du bourg de St Pierre.

Cette école a été rénovée et agrandie en 1996.

(D’après un article fourni par Y. Le Roy dans le numéro de septembre.octobre 1933 « Les cloches de St Pierre Quilbignon » Bulletin de l'amicale).

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