ECHO DE SAINT-PIERRE N° 60 - Février 2004

BRR... ON GRELOTTE !!

Dans nos maisons, le chauffage est un élément de confort, indispensable de nos jours… Du temps de mon enfance, et au delà, la chose était inconnue dans sa forme actuelle. C’était comme cela… Etant né quelques années avant 1930, je peux donc vous en parler avec les souvenirs d’un jeune garçon s’ouvrant alors à la vie, à cette époque…

Ma mère, autre temps vous dis-je, avait une petite boutique dans les hauts du Barullu ou, si vous préférez, de la route des Quatre Pompes. Petite boutique d’épicerie, restée dans ma mémoire(1). Certes, comme ailleurs sans doute, elle accueillait bien du monde mais aussi, situation peu commune, la commerçante y exerçait également ses talents de cuisinière, car la seule cheminée de la maison se trouvait là. Tout simplement… Les bonnes odeurs pouvaient-elles mettre les clients en appétit et influer sur leurs achats ? Là est une autre histoire…

Il est temps, l’hiver arrive !

Aux premiers signes du froid, aux prémices de l’hiver, il fallait glisser le fourneau devant la cheminée car, dans la formule printemps-été, la préparation des repas se faisait sur deux petits foyers inclus dans la sole de la cheminée, joliment entourés de carrelage blanc à motifs bleus… Mais l’hiver arrivait et le vieux fourneau qui somnolait à trois mètres de là, sous l’étagère à bonbons, effectuait un voyage assez court mais combien périlleux. Il avait en effet trente ou quarante ans de service et l’opération aurait pu lui être fatale. Elle ne l’a pas été pour le plus grand bien de tous. C’était, comme dans chaque maison, le seul moyen de se réchauffer un peu tout en y faisant la cuisine. Astuce suprême, ouvrir la porte abattante du four pour une bienfaisante chaleur supplémentaire… Certains, assis sur une chaise, y glissaient même leurs pieds. Autre perfection, la possibilité d’avoir de l’eau chaude du bain marie, en ouvrant le joli robinet rutilant de ses cuivres. Et malgré tout cela, l’huile de table persistait à rester à demi gelée dans les bouteilles devenues blanches. Allez comprendre… !

La bouillotte ou la brique ?

La maigre chaleur pouvait monter jusqu’à la chambre de l’étage (mes parents) et même peut-être jusqu’au grenier où, mon frère et moi, nous dormions dans un même lit, assez étroit, protégés par une seule couverture et, aussi, d’un édredon bien souvent par terre d’un côté ou de l’autre, au cours de la nuit. Sous le toit, le passage du vent qui berce… Je dois ajouter que nos pieds, à tour de rôle, pouvaient se réchauffer sur une bouillotte. Vous savez ce genre de bouteille en grès ayant contenu de la patrelle (2) au goût d’autrefois. Pas toujours étanche avec son bouchon de liège cette bouillotte ! Dans certaines maisons, plus modernes sans doute, cette dernière était remplacée par une brique rouge, réchauffée au four, puis emmitouflée dans une laine…

Poussier de caves, déchets de mazout…

tout brûle

La guerre est venue, le charbon délivré sur bon de rationnement se fait rare. Le poussier des caves s’est même transformé en boulets… Mais autre fait marquant, en tant que combustible, les déchets de mazout, genre de coke, sont récupérés au fond des cuves de Kerdalaës après l’incendie de 1940. L’occupant tolérait notre présence. Ce nouveau charbon était remonté à dos d’homme dans des sacs servant habituellement pour les pommes de terre et transporté dans des brouettes. Mais ça chauffait de trop, le dessus du fourneau devenait rouge tandis que le creuset se fissurait largement. Triste résultat, heureusement réparé par la terre glaise du lavoir du Barullu. Ce bon lavoir…

Autre source de chaleur, le bois mort ramassé dans les sous-bois ou celui beaucoup plus rare des abords de chantiers. Toute une misère ! A l’école des frères de Saint Pierre, pas de poêle. Seule la course en sabots autour de la cour, pendant la récréation, pouvait nous réchauffer.

F.Kergonou

 

(1) les détails dans la « Vallée des lavoirs » et le « Barullu de mon enfance » du même auteur.

(2) patrelle : colorant liquide pour la soupe et le ragoût (et autres recettes peut-être ?)