ECHO DE SAINT-PIERRE N° 164 - juin à août  2004

 

L’appel du 18 Juin 1940 : des élèves du collège de Keranroux

interrogent un Quilbignonnais

Avec l’aide de Mémoire de Saint-Pierre, des élèves de Keranroux ont recueilli des témoignages de personnes qui ont vécu la période 1940-45., dont celui de M. René Arzel de Saint-Pierre qui raconte :

 

« Je n'ai pas réellement reçu l'appel du Général De Gaulle. J'ai su le 17 juin par le « bouche à oreilles » qu'il cherchait des personnes pour continuer la résistance hors de la France. J'étais prêt à m'engager tout de suite pour deux raisons : d'abord pour la haine des Allemands et ensuite parce qu'il y avait beaucoup de propagande et aussi parce que quand j'ai su que Pétain signait un accord avec Hitler et qu'il lui cédait une partie de la France j'ai pensé : quel pauvre vieux !

Je suis parti comme ça, je n'ai pas eu le temps de demander l'avis de ma famille, je suis parti avec le strict nécessaire. Par chance, j'ai passé huit jours de vacances dans une famille anglaise où une jeune fille s'était arrangé avec la Croix Rouge pour faire passer des télégrammes avec ma famille pour que l'on puisse se rassurer. Nous sommes allés au port de commerce pour prendre place sur le paquebot Meknès. Il était à peu près vingt heures et nous étions nombreux. En partant, mes camarades et moi pensions aller à Bordeaux. Nous nous sommes retrouvés en Angleterre et nous avons pris le train jusqu'à Southampton au nord de Londres. Le trajet a duré un jour. Arrivés à Londres, nous sommes allés dans un camp pour nous héberger, nous y sommes restés moins d'un mois et nous avons signé un engagement avant d'aller dans des camps d'entraînement.

J'ai rencontré ou plutôt le Général De Gaulle nous a rencontrés quand il est venu nous passer en revue dans la chambrée. Je faisais partie de la deuxième D.B.(Division Blindée) où j'ai suivi des cours de mécanique auto et obtenu mon diplôme ce qui m'a permis de devenir sergent à dix-neuf ans, sachant qu’à mon engagement, je n'avais que 17 ans. Après mon entraînement je suis parti rejoindre le Général Leclerc en Afrique pour former la deuxième D.B. Le Général Leclerc était proche de ses hommes mais ne s'appelait pas Leclerc et n'était pas Général avant la guerre : capitaine dans l'armée, il s'appelait De Hautecloque. Nous sommes donc partis d'Angleterre à la fin août 1942 pour aller en Afrique, au Tchad, où nous avons eu un entraînement intensif au nord de Fort-Lamy puis nous sommes remontés à Sebha où nous avons dû nous battre. (Il y avait déjà eu une bataille à Koufra le premier mars 1941 par les premiers combattants français). Nous étions à Tunis le 8 mai 1943 puis nous nous sommes dirigés vers Casablanca pour constituer la deuxième D .B . à partir de septembre 1943. Je travaillais dans l'armée de terre, dans les convois de ravitaillement. Il y avait beaucoup de femmes dans les Services médicaux, elles allaient chercher les blessés au front. Une fois la deuxième D.B. constituée nous retournions en Angleterre avec 4500 véhicules et 16000 hommes puis nous nous sommes tous rassemblés au Pays de Galles. Quand l’Amérique est entrée en guerre, nous étions plus d'hommes et nous avions plus de matériel ce qui était formidable.

J'ai participé au débarquement en Normandie en août 1944. Nous avons été accueillis en héros. Après la prise de Paris, le 25 août, j’ai remonté les Champs Elysées avec le Général Leclerc ce qui était l'apothéose de notre travail, les cloches sonnaient, la foule était heureuse, c'était le symbole de la libération de la France. C'est cela qui nous a motivés et a fait que personne n'a douté ou renoncé, notre but était atteint ! Mais la guerre n'était pas finie, nous avons continué à nous battre et ce n'est que le 8 mai 1945, lorsqu’on nous a dit que c'était fini, qu'on avait gagné, qu’il y a eu un soulagement et nous avons bu tout ce que nous pouvions ».

 

Le dossier, qui comporte des cartes pour mieux comprendre, a été écrit par Tiphaine Désirand, Cécile Allégaërt, Kévin Montfort et Virginie Le Ven qui concluent : « Lorsque Monsieur Arzel, ancien combattant nous a raconté son histoire, il avait les larmes aux yeux. Cela nous a vraiment montré l’intensité et l’émotion de ce moment. Ces journées auront été très instructives et essentielles pour nos connaissances personnelles. Ce qui nous a également marqués c’est le courage de ces personnes qui se sont engagées pour libérer la France alors qu’ils avaient notre âge ».