ECHO DE SAINT-PIERRE N° 172 - Avril  2005

La jeunesse des années 20

Notre-Dame de Kerbonne… des laveuses était patronne

C’est un air que l’on fredonnait aux temps de mon enfance quand l’église de Kerbonne n’était entourée que de champs, de fermes et de lavoirs !

Dans le quartier de Kerastel où se passèrent mes jeunes années, on en comptait une demi-douzaine entre le bas de la montagne et la maison de la vierge. C’était alors un coin champêtre où, après avoir enjambé une arche de pierre, on accédait à un petit bois où le printemps provoquait une explosion de couleurs et de senteurs.

La rue nous appartenait ou presque, parfois quelque vieux camion militaire se dirigeait vers la Grande Rivière ; plus souvent, c’étaient les mousses de l’Armorique qui montaient au Polygone, poussant une chanson héritée de la récente guerre 14-18. Quand la musique les précédait, alors la fête était complète, et nous suivions de notre mieux.

Le jeudi était marqué par le passage du marchand de guigui (guimauve) à deux sous le bâton, plaisir que l’on s’efforçait de prolonger le plus possible.

Bien calme eût été le quartier, sans l’animation créée par les blanchisseuses qui investissaient, quel que soit le temps, les divers douets (lavoirs), les maisons de buée et les sécheresses. Notre refrain du début se poursuivait ainsi : On se dit bonjour gaîment…

On fait la causette un petit moment

Pour la causette, nos vaillantes lavandières y allaient de bon cœur malgré le bruit des catouets qui tombaient en cadence. Mais ce n’était pas de notre âge… et nous montions à l’école après avoir frôlé le dernier lavoir de la Porte Rouge et sa fontaine renommée, par le chemin de Kervillerm encaissé entre ses parois taillées dans le roc et tapissées de Krampouez-mousig (= nombril de Vénus). De l’étable proche suintait un filet malodorant que l’on ne pouvait toujours éviter… Et parfois notre groupe d’écoliers se trouvait face au troupeau de vaches qu’on menait en pâture du côté de Lanildy ou de Keraros d’où un peu de panique surtout chez les petits.

Avec ou sans encombre on atteignait la ferme où l’aïeule impotente, à la coiffe de toile, se reposait près de la porte, l’esprit déjà tourné vers un monde meilleur. Le temps de la moisson nous transportait : le chant de la batteuse portait loin, et nous faisait accourir avec l’espoir de tenir—au moins quelques minutes—debout sur le manège. Le long fouet relançait les chevaux dans leur interminable ronde.

Quelques mètres plus haut, un coup d’œil sur l’église en cours d’agrandissement et c’était les grilles du Manoir dont on admirait le parc et les allées, les statues et les vasques. Puis on passait entre l’ancienne chapelle et la baraque américaine qui servait de patronage. On arrivait enfin dans l’impasse du bas de la « venelle du Rat goutteux » et l’on rentrait, selon l’âge, à la garderie ou à la grande école.

Celle-ci fonctionnait, tant bien que mal, dans les locaux vétustes abandonnés par l’ancienne fabrique de cordages légués par la famille de Kerros aux religieuses de la Sagesse. Pas facile de transformer tout ça en classes « fonctionnelles » comme on ne disait pas encore ; bien trop petite aussi la cour de récréation pour tant de monde, mais qui s’en plaignait ? Sûrement pas les galopins et les chipies…

Cette période fut aussi marquée par les nombreuses séances théâtrales, les premières kermesses et surtout par les inoubliables processions de la Fête-Dieu, aux parcours variés, aux reposoirs fleuris mobilisant toutes les bonnes volontés de la paroisse.

Ainsi passait ce temps, heureux et sans soucis à notre âge du moins ! Bientôt les petits « Jésus de Prague », et les « Saint Jean Baptiste » de ces fêtes merveilleuses devaient quitter l’école. On n’y gardait pas les garçons au delà des sept ans… La plupart se retrouvait sous l’habit d’enfant de chœur en cette église constamment embellie par les chanoines Pichon et Guermeur. Durant ces années fastes précédant l’atroce tragédie de 39-45 n’ai-je pas participé avec l’officiant au rituel de la prière. Et comment conclure autrement que par le refrain traditionnel

Oh ! Notre Dame de Kerbonne

Veille toujours sur tes enfants

Aux jeunes de prendre la relève par leur engagement. Aimez et servez de toutes vos forces, l’avenir vous appartient.

Pierre Coat,

(ancien de Mémoire de Saint-Pierre, né en 1917, récemment décédé)