ECHO DE SAINT-PIERRE N° 191 mars 2007

La jetée du port militaire aux Quatre-Pompes
avec ses pêcheurs et promeneurs


    Imaginez-vous près de la mer, en bas de la route des Quatre pompes, en 1930 : La base des sous-marins n'existe pas encore...
    La digue (*) que l'on voit ci-dessus était alors libre d'accès, ouverte aux piétons comme aux vélos et aux quelques rares pétrolettes de l'époque. Pour ma part, je n'y ai jamais vu de voiture tentant pareille aventure !
        A partir des vacances d'été, nous, les garçons, étions plus que souvent dans ces parages, notamment pour la pêche aux greniks (chinchards). Cette pêche était d'ailleurs tellement abondante qu'elle nécessitait régulièrement des élans de générosité près des voisins de quartier ! Mais à force, ils commençaient par faire les "difficiles" et notre bonté se reportait alors sur les chiens et , surtout, les chats qui finissaient, eux-aussi, par se lasser... La renommée du pêcheur se déterminait au nombre. Avec un grand recul, on ne peut pas dire que ce soit la meilleure stratégie ! 
    Bref, nous n'étions pas les seuls, loin de là ! Les radeaux d'accostage des baleinières qui  desservaient les trois bâtiments-école amarrés en face, étaient couverts de pêcheurs (les 3 bâtiments formaient une seule école, l'Ecole des Mousses)  ! Ces embarcations  assuraient leur service avec une certaine difficulté : c'était plus que plein sur les pontons... Actifs et retraités se retrouvaient là, particulièrement en fin de semaine, avec un engouement partagé pour ce type de loisir. Certains y restaient toute la journée, ayant pris soin d'envoyer leur casse-croûte et, surtout, de quoi l'arroser. Et puis, au-delà des chinchards, pêche facile, tout le monde espérait le maquereau ou l'aiguillette et, plus rarement, le saint-pierre, sans aucune parenté avec notre joli bourg. Pour compléter le décor, mais surtout pour fuir la cohue et le brouillage des lignes, d'autres pêchaient directement de la digue avec leur gaule. Là étaient les plus fins et les meilleurs, sans conteste, en qualité de prises...

On venait de partout...
    Ainsi se dessinait l'ambiance de la digue en été. Mais elle ne s'arrêtait pas là, car la jetée recevait également les promeneurs du soir (quelle douceur !) ainsi que  ceux du dimanche. Ces derniers venaient de partout, qu'ils soient de Recouvrance ou d'ailleurs, débouchant par la Corniche ou, tout simplement, débarquant du tram, au bourg de Saint-Pierre. Quel bonheur de descendre la vallée ! Certains messieurs coiffés d'un canotier et arborant la canne à la main, s'il vous plaît, accompagnaient les belles dames dissimulées sous leur ombrelle. Et nous, les garçons du Barullu et d'ailleurs empêtrés dans nos lignes !...

La pêche n'est pas finie...   
    Le temps gris, et ça arrivait parfois, était, parait-il,  favorable à la pêche aux congres... Équipés d'une ou deux lignes de fond de 25m en chanvre brun, achetées chez Deudé (**), on partait pour la pêche-émotion : Le principe était de garnir deux gros hameçons et de lancer cette ligne dans l'élément. Tout un art dans le déroulement... Alors, maintenant, un galet, sur un tour de ligne, tout au bord... "Et l'émotion dans tout ça ?" me direz-vous... Eh bien ! C'est quand le galet  plonge et avertit... Humblement, je dois dire que cela n'est guère arrivé souvent, ce qui d'ailleurs ne chagrinait personne et surtout pas mes parents car on n'aimait pas trop le congre à la maison. L'a-t-on d'ailleurs jamais vu ?...

    Cette digue offrait un point de vue incomparable à la rentrée de l'escadre. Plus d'une vocation s'est, sans doute, déterminée ici... Peut-être, même, la mienne.

(*)la digue crée en 1839, ne faisait alors que 70m.
(**)un magasin "Ty trouve tout",  au bourg, à l'emplacement de l'ex bouquiniste  
François Kergonou

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