ECHO DE SAINT-PIERRE N° 196- octobre 2007

LES VIEUX METIERS DES RUES VERS 1930

      Entendez-vous la marchande de poissons qui monte de la vallée poussant sa voiture à bras et clamant, bien haut, la diversité et la qualité de ses produits, l'entendez-vous ? En d'autres moments de la journée ce sont d'autres passages mais toujours quelque chose.
   
    De bien loin, l'après midi de certains jours d'été particulièrement, ce doux refrain qui avivait notre gourmandise "A la gui-gui à la guimauve"... Vous vous rappelez ? Le goût et le parfum de ces bâtonnets torsadés vous sont-ils restés dans la bouche, leurs couleur dans les yeux ?...Je le revois encore, le monsieur portait des lunettes noires, assez rares pour l'époque, poussant sa voiturette à bras à la peinture blanche si brillante. Un gros chien-loup, impressionnant, y était attelé, donnant aussi de sa peine pour monter la côte. Et voilà ! Notre homme s'arrêtait, le chien aussi, tirant la langue. Après quelques paroles rassurantes qui nous autorisaient à nous approcher un peu plus, c'était une petite merveille qui se découvrait à nos yeux. Sous une paroi de verre, rangés dans des cases différentes et dans un ordre impeccable ils étaient là les bâtonnets, aux couleurs si chatoyantes... C'était pour quelques sous et la grande bonté de mes parents se laissait souvent attendrir. Braves parents... Mais au fait, pouvez-vous m'expliquer pourquoi je choisissais, après quelques  hésitations il est vrai, le vert sombre ou le rouge carmin ou le marron ?...
   
    Connaissez-vous le cri du marchand de pilhou, du rempailleur de chaises, du marchand d'os, de peaux de lapins ?...Eh oui! Revoyez-vous encore la chanteuse de rue ? Vous cachez-vous encore pour mieux écouter son refrain ? Ah ! Combien poignante était sa voix... C'était bien souvent un message de détresse qui se retrouvait ainsi en mélodie, mais il y en  avait aussi d'autres et la joie brillait alors un peu plus en nos cœurs d'enfants. Nous ne pouvions rester insensibles. Les gens finissaient par apparaître aux fenêtres ou sur le pas de leur porte. Cette femme était peinte par la misère. Il fallait lui acheter une chanson! disait ma mère. Avec un pâle sourire de remerciement, elle me tendait alors sa feuille mauve, pour quelques sous... Et puis le chant reprenait, s’égrenait, disparaissant lentement au tournant de la route...
    Avez-vous goûté la liqueur? revoyez-vous cette dame tout de noir vêtue portant en bandoulière ce baril ovale orné d’un petit gobelet? C’est vrai, pas beaucoup de clients si je m’en rappelle...
    Enfin ! Avez-vous vu le montreur d’ours. La bête, impressionnante, se démenait dans des attitudes qui nous gardaient prudemment sur le trottoir. Tout cela dans le bruit de chaînes qui me tinte encore aux oreilles quand il m’arrive de revoir, en esprit, cette image d’un autre temps...
    Avez-vous de la vaisselle brisée? Comme dans tout bon ménage qui se respecte d’ailleurs. Attendez donc le passage du raccommodeur de faïence, c’est son travail. Vos couteaux à affûter? Patientez de même, le jour n’est pas si loin où vous entendrez au tournant du chemin, couteaux, ciseaux, rasoirs. C’est le cri du rémouleur.

F. Kergonou 

L'homme et sa voiturette
tirée par les chiens

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