En 1940, le manque de
main-d’œuvre se faisant sentir, le Ministère de la guerre fit appel aux
travailleurs marocains. Ceux-ci, au nombre de 102, arrivèrent à Brest
le 17 mars. Travailleurs courageux et généralement adroits, ils furent
employés par les services des constructions navales pour remplacer les
ouvriers de la navale mobilisés.
La compagnie fut
placée sous le commandement du lieutenant Jean Perrigault, journaliste
dans le civil et ayant parcouru le Maroc pour de nombreux reportages,
il connaissait donc mieux que quiconque ces hommes .
Hébergement des Marocains
Les hommes furent hébergés dans les bâtiments de Kervallon, situés le
long de la Penfeld, non loin de l'actuelle porte de
l'arrière-garde de l'Arsenal - Ces constructions avaient servi de
magasins et d'entrepôts à l'armateur Riou-Kerhallet dans les années
1800, puis avaient appartenu à la Marine, et pour finir servirent en
1914 d'hôpital provisoire- Ils étaient en piteux état, ainsi que les
alentours, mais en trois semaines tout changea d’aspect. Le terrain fut
nivelé, des jardins furent tracés et du mâchefer fut répandu sur le sol.
Un lieu de culte fut aménagé
Un des premiers soins du lieutenant Perrigault avait été de doter le
camp d’une mosquée, afin que les travailleurs marocains, très pieux
pour la plus part, puissent aller implorer Allah et le remercier de ses
bienfaits. Ils se montrèrent très reconnaissants envers leur lieutenant
et la mosquée fut fréquentée à toute heure de la journée. Ce n’était
qu’une baraque mais les parois avaient été peintes en ocre, et étaient
percées de fenêtres à arc ogival. La mosquée n’était pas ici flanquée
d’un minaret car il n’y avait pas besoin d’un muezzin pour annoncer les
cinq prières quotidiennes ! L’intérieur était une salle rectangulaire
aux murs peints en bleu. Le sol était garni de nattes. Au fond, à
gauche, se trouvait le mihrab, sorte de niche ou de guérite, indiquant
la Qibla (la direction de la Mecque). C’était devant le mirhab que se
plaçait l'homme qui dirigeait la prière.
Les prières
Le plus souvent les travailleurs marocains se rendaient par couples à
la mosquée, après avoir procédé aux ablutions purificatoires et s’être
soigneusement lavés les pieds. En entrant, ils se déchaussaient sur un
banc placé près de la porte et, pieds nus, allaient s’agenouiller sur
les nattes devant le mirhab. Par trois fois, ils se prosternaient le
front contre terre, marmonnaient leurs prières les mains jointes et se
prosternaient à nouveau avant de se retirer.
Parfois l'homme qui n’était que le chef de la prière et n’avait reçu
aucune initiation spéciale, réunissait une quarantaine de camarades à
la mosquée et dirigeait les rites de la cérémonie. Ces soirs-là
s’élevaient dans le camp de graves mélopées qu’accompagnaient sur deux
notes, une sorte de banjo. Cet instrument avait été construit avec les
moyens du bord : un bol de porcelaine ou un bidon d’huile en
constituait la boîte sonore. Un long morceau de bois sur lequel étaient
tendus deux fils métalliques y était attaché. Dire que les sons qui en
sortaient étaient doux et harmonieux serait exagéré ! Mais avec
l’accompagnement du tam-tam, fait d'une gamelle, il suffisait aux
hommes. Cet orchestre renforçait ainsi leurs chants nostalgiques.
Retour au Maroc
Moins de trois mois après leur arrivée, ils furent faits prisonniers
par les Allemands. Puis libérés, ils purent retrouver leurs familles au
Maroc après huit mois d’absence, laissant à Kervallon les vestiges de
ce qui fut sans doute la première mosquée et la première communauté
musulmane dans notre commune.
C'est dans l'un de ces bâtiments que fut aménagée la mosquée en 1940.
Cette photo de Kervallon date de 1914.
Jean Pochart.
Informations issues de «La Dépêche de Brest»