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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 211 mars 2009

Une mosquée à Saint-Pierre
     
        En 1940, le manque de main-d’œuvre se faisant sentir, le Ministère de la guerre fit appel aux travailleurs marocains. Ceux-ci, au nombre de 102, arrivèrent à Brest le 17 mars. Travailleurs courageux et généralement adroits, ils furent employés par les services des constructions navales pour remplacer les ouvriers de la navale mobilisés.
    La compagnie fut placée sous le commandement du lieutenant Jean Perrigault, journaliste dans le civil et ayant parcouru le Maroc pour de nombreux reportages, il connaissait donc mieux que quiconque ces hommes .
Hébergement des Marocains
    Les hommes furent hébergés dans les bâtiments de Kervallon, situés le long de la Penfeld,  non loin de l'actuelle porte de l'arrière-garde de l'Arsenal - Ces constructions avaient servi de magasins et d'entrepôts à l'armateur Riou-Kerhallet dans les années 1800, puis avaient appartenu à la Marine, et pour finir servirent en 1914 d'hôpital provisoire- Ils étaient en piteux état, ainsi que les alentours, mais en trois semaines tout changea d’aspect. Le terrain fut nivelé, des jardins furent tracés et du mâchefer fut répandu sur le sol.


Un lieu de culte fut aménagé
    Un des premiers soins du lieutenant Perrigault avait été de doter le camp d’une mosquée, afin que les travailleurs marocains, très pieux pour la plus part, puissent aller implorer Allah et le remercier de ses bienfaits. Ils se montrèrent très reconnaissants envers leur lieutenant et la mosquée fut fréquentée à toute heure de la journée. Ce n’était qu’une baraque mais les parois avaient été peintes en ocre, et étaient percées de fenêtres à arc ogival. La mosquée n’était pas ici flanquée d’un minaret car il n’y avait pas besoin d’un muezzin pour annoncer les cinq prières quotidiennes ! L’intérieur était une salle rectangulaire aux murs peints en bleu. Le sol était garni de nattes. Au fond, à gauche, se trouvait le mihrab, sorte de niche ou de guérite, indiquant la Qibla (la direction de la Mecque). C’était devant le mirhab que se plaçait l'homme qui dirigeait la prière.

Les prières
    Le plus souvent les travailleurs marocains se rendaient par couples à la mosquée, après avoir procédé aux ablutions purificatoires et s’être soigneusement lavés les pieds. En entrant, ils se déchaussaient sur un banc placé près de la porte et, pieds nus, allaient s’agenouiller sur les nattes devant le mirhab. Par trois fois, ils se prosternaient le front contre terre, marmonnaient leurs prières les mains jointes et se prosternaient à nouveau avant de se retirer.
    Parfois l'homme qui n’était que le chef de la prière et n’avait reçu aucune initiation spéciale, réunissait une quarantaine de camarades à la mosquée et dirigeait les rites de la cérémonie. Ces soirs-là s’élevaient dans le camp de graves mélopées qu’accompagnaient sur deux notes, une sorte de banjo. Cet instrument avait été construit avec les moyens du bord : un bol de porcelaine ou un bidon d’huile en constituait la boîte sonore. Un long morceau de bois sur lequel étaient tendus deux fils métalliques y était attaché. Dire que les sons qui en sortaient étaient doux et harmonieux serait exagéré ! Mais avec l’accompagnement du tam-tam, fait d'une gamelle, il suffisait aux hommes. Cet orchestre renforçait ainsi leurs chants nostalgiques.

Retour au Maroc
Moins de trois mois après leur arrivée, ils furent faits prisonniers par les Allemands. Puis libérés, ils purent retrouver leurs familles au Maroc après huit mois d’absence, laissant à Kervallon les vestiges de ce qui fut sans doute la première mosquée et la première communauté musulmane dans notre commune.
  

C'est dans l'un de ces bâtiments que fut aménagée la mosquée en 1940.
Cette photo de Kervallon date de 1914.

Jean Pochart.
Informations issues de «La Dépêche de Brest»


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