Des troncs d’arbres de 5500
ans, gisant dans la tourbe, sont encore visibles sur la plage de
Sainte-Anne à marée basse. Si vous voulez les voir, dépêchez-vous car
des travaux de réensablement qui risquent de démarrer bientôt.
Un membre de mémoire de Saint Pierre,
Jean-Pierre a exposé des photos de la forêt sous-marine lors des
journées du patrimoine. Allons l’ interroger …
Que savez-vous sur cette forêt ?
JP : Ce que je sais vient d’une information
transmise par le géologue, M. Ferchaut, qui avec deux collègues de son
laboratoire ont découvert ces vestiges d’arbres il y a quelques années.
Ils les ont étudiés et ils ont réalisé l’étude préalable au
réensablement de la plage de Sainte-Anne. Concernant les troncs
d’arbres, ils ont prélevé des échantillons, les ont soumis à l’analyse
au carbone 14 en Allemagne. Ils dateraient de 5500 BP* (environ 3500
ans avant notre ère). Ils sont déposés dans la tourbe qui est du même
âge. La tourbe se formant en milieu non salé laisse apparaître qu’à
cette époque le niveau de la mer était plus bas que le niveau actuel, à
peu près au niveau de la première ligne de mouillage. Là, il y avait un
cordon de sable et galets qui protégeait une zone humide en arrière.
Cette zone était tourbeuse et colonisée par des arbres… Le niveau de la
mer remontant, le cordon a reculé jusqu’à la falaise et jusqu’au
parking actuel, écrasant et tassant par là même le marais
qu’antérieurement il protégeait.
C’est seulement depuis la construction de la digue d’Ifremer (en 1970)
et le départ du sable qui en suivit que ces vestiges sont apparus au
grand jour.
Si vous voulez les découvrir, vous descendez les
escaliers et 200 mètres plus bas vous trouvez les premiers vestiges :
chênes, noisetiers, et d’autres que nous n’avons pas identifiés. Ils
sont entre deux sortes d’épis rocheux recouverts de goémon. Les arbres
sont entre ces épis.
On les trouve au niveau de mi-marée, ils sont
faciles à voir car certains font quelques mètres de long ! Moi et mon
copain Charles en avons compté 4 ( certains sont des troncs d’arbres de
3 ou 4 m de long recouverts de goémon, de coquillages et de sable ) et
nous avons trouvé des débris de bois à plusieurs endroits. C’est donc
un glissement de terrain qui a fait basculer ces arbres qui se sont
donc retrouvés brisés ou ensevelis dans la tourbe, les protégeant ainsi
jusqu’à nos jours.
Mais maintenant qu’ils sont à l’air libre, ne craignez-vous pas qu’ils s’abiment?
JP : bien sûr que si ! Regardez ces morceaux de bois : ils sont
infestés de tarets. Encore quelques années et il ne restera plus rien !
Vous avez entendu parler du port musée de Douarnenez ? Eh bien voilà ce
qui a infesté les coques des bateaux ! C’est un mollusque bivalve au
corps très allongé vermiforme. C’est pour ça que les anglais et les
marins l’appellent ver de mer : il s’attaque au bois plongé dans l’eau
de mer ou l’eau saumâtre au point de faire des désastres maritimes…
Que vont devenir ces vestiges de 5000 ans ?
JP : M. Ferchaut nous dit que lors des travaux de
réensablement, ils seront partiellement recouverts, encore que le
réensablement vise plutôt la partie occidentale de l’estran …
Faisons confiance aux hommes, les travaux démarrent bientôt .
JP Nicol et Charles Henri Bougé
Avec participation de M. Ferchaut
*BP : ( = Before Present ) utilisé en archéologie pour désigner les
âges exprimés en nombre d’années comptées à partir de l’année 1950 (qui
correspond aux premiers essais carbone 14 )