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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 229, janvier 2011

Le tramway d’hier, en attendant celui de demain

  
Avant l'arrivée prochaine du tramway, laissons notre mémoire vagabonder dans les rues de Brest à bord de son aïeul, le tramway urbain…

Autre siècle, autre tram…
    Le chantier géré par la CTB (Compagnie des Travaux électriques de Brest) débute en janvier 1898. Les ouvriers travaillent avec ardeur de jour comme de nuit. L'usine produisant le courant électrique est située à Kerinou. Elle dispose de 3 groupes électrogènes. Les bornes négatives de ces machines sont reliées aux rails, les bornes positives à un disjoncteur. Le courant est recueilli par une perche métallique. 22 voitures (en pitchpin1  à l’intérieur) arrivent par chemin de fer, en pièces détachées pour être assemblées par des monteurs parisiens de la société Thomson-Houston. Théoriquement, 36 voyageurs peuvent prendre place dans une voiture. Les places assises sont  de part et d’autre de l’allée centrale, les places debout sont à l’avant et à l’arrière.
    L'inauguration officielle a lieu le 11 juin 1898 par le préfet du Finistère et l'amiral Fournier, préfet maritime.
Deux lignes sont mises en oeuvre :
- Ligne N°1 : rue Inkerman à Lambézellec jusqu'à Saint-Pierre Quilbignon, l'arrêt se trouvant en face de l'actuel bar «Le Terminus».
- Ligne N°2 : port de commerce de Brest jusqu'à Kerinou en passant par la gare.
La distance moyenne entre 2 arrêts est d'environ 253 m.
- En 1901, une 3ème ligne est mise en service à partir de l'octroi, direction Saint-Marc.

Attention à la manœuvre !...
    Le tram est conduit par un wattman2. Il dispose de 2 manettes, une pour établir ou couper le courant et l'autre pour régler la vitesse. Suite à des plaintes pour vitesse excessive, un accord intervient pour fixer à 20 km à l'heure en palier ou sur rampes et à 12 km à l'heure en ville. Je vous rassure, il y a aussi un frein…

Vos billets s’il vous plait !...
    Les tickets sont oblitérés par le receveur ou la receveuse. Ils sont de couleurs différentes suivant le tarif. Le receveur doit aussi inverser la perche (à l'aide d'une corde) à chaque terminus de ligne afin que le tram reparte en sens inverse. Les jours de grand vent, le tram peut s’arrêter en plein trajet, la perche relais s’étant déplacée lors d’une rafale. Le receveur doit alors descendre sur la chaussée, rétablir le contact ce qui n'est pas toujours aisé ! Mais on l’aide…
    
Suite à de nombreux incidents et accidents, le tram en allusion à sa couleur est surnommé : Le péril jaune !
    - Le 6 Juin 1905, le tram en provenance de Saint-Pierre suite à des difficultés de freinage, dévale la côte du Grand Turc et finit sa course au bas de la rue de la Porte.
    - Le 14 janvier 1939, le tram roule rue Jean Jaurès en direction de Saint-Pierre.  A la hauteur de la rue Victor Hugo, une rupture de frein provoque une descente incontrôlable jusqu'à la rue de Siam ou il finit sa course dans la vitrine du café de France.
    Une autre anecdote contée par un ancien wattman :
« Au terminus de Saint-Pierre, le véhicule se prépare à reprendre son trajet vers Brest. Le wattman passe d'un coté à l'autre muni de sa manivelle. Le courant ne venant pas, il s'inquiète, jette un coup d'œil à l'arrière de son véhicule et telle n'est pas sa surprise de voir des jambes s'agitant dans l'air. La receveuse est restée accrochée à la corde en inversant la perche relais !...».

Et les voyageurs ?...
    Le transport à bord du tram, n’est pas très agréable. Cahin caha, roulant de bâbord à tribord, bruyant, tressautant, poussif, voilà comment les passagers le qualifient ! Aux heures de pointe, quand les ouvriers et élèves (employés de la ville et de l’arsenal, élèves de l’école pratique de commerce et de l’industrie, École primaire supérieure, École Saint Louis, Lycée…) se croisent, le tram est bondé, certains passagers sont assis sur le tampon arrière ou s’accrochent par grappes aux marchepieds. Tout cela avec des arrêts fréquents, des coups de sonnettes et des «billets s’il vous plait !»
Aux beaux jours, de nombreux brestois empruntent le tram jusqu’à Saint-Pierre et se rendrent à pied à la plage de Sainte-Anne.

La guerre...
    Le tramway fonctionne pendant la guerre. Après les bombardements, les traminots tentent de remettre en route les secteurs dégagés. Dans la nuit du 7 au 8 septembre 1944, les Allemands, sans raison stratégique apparente, posent des charges explosives sous les véhicules se trouvant au dépôt de Kérinou. Tout explose. BOUM !!!
    C'est la fin du tramway urbain à Brest, tout est à refaire, et dans tous les domaines...
Elisabeth Grannec

(1) Pitchpin : bois de plusieurs espèces de pin d’Amérique du Nord
(2) Wattman : conducteur de tramway
le tram urbain entre 1898 et 1909

le terminus du tram urbain à Saint-Pierre


  



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