Jean Herry est un Quilbignonnais né en 1933, il avait donc l'âge d'aller à l'école pendant la guerre.
Mais les bombardements arrivent, les habitants doivent se réfugier en
dehors de la ville. Certains dans la Sarthe, d'autres dans des communes
aux environs de Brest. Les écoles ont dû fermer à Saint-Pierre.
Les parents de Jean ont choisi de rester à Saint-Pierre, et de scolariser leur fils en pension à Plouzané dans une école privée.
Nous l'avons rencontré pour lui demander comment cela se passait.
Écho : Comment s'organisait cette scolarisation ?
Jean : c'était très pénible, car il
nous fallait faire le trajet de 7 kilomètres entre Saint-Pierre et
Plouzané à pied, plusieurs fois par semaine : le lundi matin en bande
pour revenir le mercredi soir, puis le vendredi matin pour revenir le
samedi soir, sauf certaines semaines où nous restions en pension le
dimanche. Le jeudi, il n'y avait pas école. Nous faisions la route en
groupes, grands et petits mélangés. J'étais dans les plus jeunes. Ce
n'était pas facile, surtout par mauvais temps, avec comme chaussures
des galoches à semelles de bois.
Écho : à 7 ans, tu ne faisais pas la comédie à tes parents pour partir ?
Jean : certainement pas, c'était
interdit, il fallait obéir. Il n'y a qu'une fois que je me suis trompé
: je suis rentré à la maison le mardi soir au lieu du mercredi, ça
m'arrangeait.
Écho : c'était difficile, mais vous deviez parfois vous amuser aussi pendant le trajet
Jean : oui, mais parfois avec
imprudence. Je me souviens qu'à la fin de la guerre, en 1945, lorsque
les Allemands sont partis, ils ont laissé des armes en état de marche
dans la nature.
Nous y trouvions des mitrailleuses des grenades et autres, avec
lesquels nous nous amusions en tirant à balles réelles et en les
faisant exploser. Au fort Montbarey, au bord de la route il y avait un
blockhaus avec des caisses d'obus que nous démontions en tapant l'ogive
contre le béton pour récupérer les fusants (poudre en bâton) que nous
utilisions pour faire des pétards. Heureusement qu'il n'y a pas
eu de victimes.
Écho : comment était organisée l'école ?
Jean : c'était assez sévère, nous
étions 35, voire plus par classe. Quilbignonnais, nous étions
minoritaires par rapport à ceux de Plouzané.
Écho : et la pension ?
Jean : nous dormions dans de grands
dortoirs dans des lits bien alignés, peut-être une cinquantaine. Pour
les sanitaires, c'était très succinct, sans eau courante.
Écho : que mangiez vous ?
Jean : je me souviens que parfois la
nuit nous allions piquer du bon pain et du beurre aux gars issus de la
campagne, car nous devions nous contenter de compote et de pain
noir au petit déjeuner. Cela n'a pas duré, les surveillants nous en ont
empêché. Pour les repas, c'était souvent du "rata".
Écho : quels étaient vos loisirs ?
Jean : nous jouions au foot, à la bagarre et autres jeux comme récupérer des hannetons ou des grillons.
Le dimanche, lorsque nous restions en pension, nous devions aussi aller
à la messe de sept heures, puis à la grand-messe et aux vêpres
l'après-midi. Puis, nous allions ensuite nous laver les pieds dans de
l'eau "courante" de la rivière route de Ploumoguer ou près du moulin de
Ker ar Groaz près du bourg. Aux beaux jours, nous allions à pied à la
plage du Minou.
Écho : Combien de temps cela a-t-il duré ?
Jean : environ 3 ans, après un an de scolarisation à Saint-Pierre.
Écho : et vos parents pendant ce temps ?
Jean : ils sont restés à Saint-Pierre
jusqu'en 1943 puis, vu les bombardements ils ont déménagé au Dellec
chez leurs parents à Plouzané, avant de se réfugier à Trégorf près de
Saint-Renan.
A leur retour à Saint-Pierre fin 1945, ils ont découvert leur maison
brûlée au 51 rue de la Mairie (aujourd'hui rue Victor Eusen). Il leur a
fallu trouver un logement provisoire.