Même s'il était né avant-guerre, le mouvement s'est surtout développé
dans les années cinquante. Il fallait se retrousser les manches,
activer pelles et pioches et rêver de jours meilleurs en rebâtissant la
cité. L'auto-construction et l'entraide étaient la règle et c'est tout
un esprit de solidarité qui s'est forgé au cours de ces années sans
week-end ni congé, qui ont permis à tant d'ouvriers et d'employés
d'accéder à la propriété. Dans les années 60, beaucoup de sociétés de «
castors » se sont créées. Sur la Rive Droite, on voit beaucoup de
quartiers Castors, que ce soit à la Cavale Blanche, aux Quatre-Moulins
ou autour du bourg de Saint-Pierre. L’Echo a rencontré François
et Paul, qui témoignent de l’organisation de la société Castor
« Les Rosiers » le long du boulevard de Plymouth, entre 1969 et
1972. Ils nous racontent leur aventure.
Comment avez-vous lancé le projet ?
« La société « Les Rosiers »
s‘est créée à l’image du voisin « le Panier Fleuri », conseillée par
l’association «Castors de Brest et de l’Ouest». Un conseil
d’administration avec un président, un secrétaire et un trésorier a été
mis en place. Son premier travail a été de déposer en mairie la demande
de permis de construire après l’achat des terrains devant le notaire,
et le dépôt de plans au service cadastral. Il a fallu aussi créer un
lieu pour organiser les travaux : installation d’une baraque-chantier
avec bureau administratif, atelier de chaudronnerie et salle de séjour.
Les maisons, copiées sur un autre Castor, avaient été dessinées par un
membre bénévole qui travaillait dans un cabinet d’architectes. Il nous
a aussi tracé les plans du lotissement avec les 36 maisons, sur des
terrains de grandeurs différentes. Les lots ont été attribués par
tirage au sort complété par des arrangements à l’amiable. Les maisons
sont toutes identiques, des F5 avec cave-garage à demi enterrées
en fonction du terrain ».
Avez-vous fait appel à des entreprises ?
« Les travaux sollicitant du
gros matériel ont été sous-traités à des entreprises : terrassement,
routes et emprises des 36 maisons, travaux de gros œuvre et couvertures.
Les entreprises travaillaient pendant la semaine, et le lotissement
était visité par François, président du Castor, le chef de chantier.
Les sociétaires travaillaient le samedi et le dimanche. Les premiers
travaux furent la viabilité : enterrer les réseaux d'eaux usées,
pluviales et potable. »
Comment vous organisiez-vous pour les travaux réalisés par vous-mêmes ?
« Parmi les sociétaires, il y avait
des gens de métier qui travaillaient et initiaient les autres pour
réaliser les charpentes, menuiseries intérieures, portes et fenêtres
comprises, l’électricité, le chauffage et sanitaires, le fer forgé
extérieur, la maçonnerie, les escaliers extérieurs et caves. A
l’extérieur, on faisait les trottoirs avant l’enrobage des voies
par une entreprise, et les réseaux d’eau potable, usée ou pluviale..
Les sociétaires travaillaient le week-end sous les ordres des chefs
d’équipe qui s’étaient réunis le mardi dans la baraque chantier où la
marche de la société était définie par le conseil d’administration.
Ils travaillaient 5 journées par mois plus 2 semaines pendant les
congés payés. Ils pouvaient se faire remplacer ou aider par un tiers.
Ils pointaient, et leurs journées étaient comptabilisées par le
trésorier. »
Et l’emménagement des maisons ?
« Les travaux ont
duré 3 ans ; les entrées se sont étalées de juin 1971 à juillet 1972
; les premiers bénéficiaires versaient un loyer à la société qui,
par un système de péréquation compensait les autres en attente. »
Merci à François et Paul qui nous ont décrit cette
expérience qui prouve qu’une auto construction permet de créer des
liens entre les gens et d’obtenir un logement de qualité pour moins
cher. Cela peut donner des idées à ceux qui veulent construire
actuellement.