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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 235, septembre 2011

COMME UNE FIN DU MONDE !
   
                    C'était il y a 67 ans...

        En ce vendredi 11 août 1944, vers 16 heures, notre équipe de la Défense Passive, était réunie à la mairie de Saint-Pierre pour informations. Tout à coup, les trois longs rugissements de la sirène annoncent l'alerte. Rien que de les entendre glace déjà le sang dans les veines malgré la fréquence des alertes. La population est dans ces conditions depuis déjà quelques semaines...

Tous à l'abri...
Les gens se pressent aux trois accès de l'abri. Nous sommes là et notre rôle est d'essayer de canaliser la descente de trente marches tout en empêchant les soldats allemands d'y accéder. Autant que faire se peut... Ce lieu est en effet réservé à la population civile.

Le bombardement commence...
    Le bruit, lourd et pesant, de la première formation se rapproche. Les avions sont déjà là, très haut dans le ciel encore dégagé. Quelques minutes ou secondes et ce sont les premières chutes de bombes....
Fermant prestement la porte, on se retrouve dans les méandres de l'abri à environ 9m sous l'église, un peu moins sous la place. Le fracas est énorme, un véritable tremblement de terre. Ça tangue ! En bruit de fond les aboiements continus des canons de la D.C.A. Dans la pâle clarté de l'abri les visages sont blêmes. Chacun se regarde dans les yeux, observant la pâleur de l'autre. Jamais, à ce jour, nous n'avons subi une telle violence. Sont ce nos derniers instants ?

Vite ! De l'aide...
        Et puis, là-haut, la porte qui s'ouvre... Un homme apparaît, désemparé, il descend rapidement vers nous. Je le connais, c'est Yves Mazé de Kernein. Il reprend enfin son souffle pour nous raconter. Une tranchée-abri vient d'être enfouie, avec ses occupants, à Kerdidreun. Les habitants du village y avaient trouvé leur refuge habituel... On écoute, nos responsables de la Défense Passive ne sont plus là, ils sont partis vers d'autres obligations de guerre. Leur remplaçant est Jean Lunven, bien connu, en tant qu'ex-capitaine des pompiers, sous les ordres du commandant Grapin. Ce petit homme sec et droit a 73 ans. Son visage d'autorité est barré d'une moustache blanche faisant penser à nos braves poilus de 14/18. Alors ?

En avant...
    C'est notre chef, il se tourne vers nous. "Des volontaires avec moi !" Pas de réponse, aucune voix ne s'élève. "Eh bien, j'irai tout seul" s'exclame-t-il. Puis, enfin, quelqu'un, Yves Pleiber,  puis un autre, celui qui vous écrit ces lignes aujourd'hui. "C'est tout ?" Dernier regard du capitaine. "Plus personne ?" "Ça va ! En avant !" Et tous les trois, suivis d'Yves Mazé, nous montons prestement les marches, casque sur la tête, brassard au bras gauche. Sans oublier les accessoires, pelles, pioches, cordes... Le grand moment est arrivé. Dehors le bombardement continue, le jour est comme un crépuscule chargé de fumée et de poussières. A-t-on peur ? Certainement, car la vision est dantesque. Allons-nous seulement avancer ?
     L'intervention par elle-même a déjà été écrite par l'auteur dans l'Écho de Saint-Pierre n° 135 de septembre 2OO1. (si vous n'avez pas ce numéro, reportez-vous au recueil des articles de l'Écho en vente auprès de Mémoire de Saint Pierre ou sur le site de l'Écho). D'autre part, il en est fait mention dans l'album du siècle Saint-Pierre Quilbignon (5€) en vente également à Mémoire de Saint-Pierre.
François Kergonou


Une entrée de l'abri à l'endroit où est l'abri-bus aujourd'hui. On reconnaît à droite la maison qui abrite le bar "le Terminus"


L'équipe de la Défense Passive de Saint-Pierre. C'était le dimanche 9 mai 1943 , ce qui explique le port de la cravate.
(permanence de 6 membres environ ; pour les alertes, le chiffre est d'une trentaine)






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