ECHO DE ST-PIERRE N° 25 - OCTOBRE 1990

LA MUTUELLE DE SAINT-PIERRE

Beaucoup ignorent qu'il a existé une Mutuelle à Saint-Pierre Quilbignon.

Celle-ci comme bien d'autres est le fruit d'une loi de Napoléon III qui se trouvait confronté à un double problème :
- encourager la création d'associations qui répondent à un besoin social : secours aux malades, prévoyance,...
-empêcher la création d'associations qui mettent en cause la paix sociale.

C'était l'époque où le syndicalisme était interdit, et ou beaucoup de Mutuelles servaient de refuge pour l'exercice syndical.
D'où le décret du 26 mars 1852 de Napoléon III, qui stipule "qu'une société de secours mutuel sera créée par les soins du Maire et du curé dans chacune des communes où l'utilité sera reconnue" et, "le Président de chaque société sera nommé par l'Empereur" (de dernier aspect restera en vigueur jusqu'en 1870).
De cette manière, la Mutuelle regroupera ses adhérents sur la base de la commune et non sur les lieux de travail. Les meneurs seront isolés, et les notables encadreront ces sociétés. Tel était le dessein de Napoléon II qui sut offrir des avantages à ces nouvelles Mutuelles dites "approuvées".
C'est dans ce contexte que naquit la "société de bienfaisance et de secours mutuel de Saint-Pierre Quilbignon" le 24/10/1858. Elle fut placée sous le patronage de Saint François-Xavier.
Dans un article rédigé en 1921, Michel Floch relate la création de cette mutuelle :
"La réunion eut lieu à 13 heures dans une salle communale du bourg. Ce sont les membres de la société de Recouvrance qui l'animèrent. Les ouvriers et habitants de Saint-Pierre furent convoqués "à l'effet de former une société mutuelle dans cette commune rurale". Messieurs les Frères de la commune y assistaient, ainsi que M. Tartu, adjoint-maire, et M. Boulard, docteur-médecin. M. le Recteur avait témoigné toute sa sympathie pour l'oeuvre qu'on allait fonder. M. le Sous-Préfet annonçait qu'il se ferait un plaisir de venir lui-même présider à l'installation de la société..."
Il est évident, à la lecture des statuts de cette Mutuelle, qu'à sa création, qu'au delà de la réponse aux besoins urgents créés par la maladie, il s'agissait aussi de mener un travail d'intégration sociale par le biais des valeurs religieuses, patriotiques et d'ordre.
Ainsi, notons dans les statuts :
"... la société de bienfaisance et de secours mutuels se propose d'assurer à la classe ouvrière, les secours qui, en cas de maladie, lui deviennent nécessaires... Elle se propose en outre, de porter cette classe intéressante et si nombreuse à la pratique des vertus et des devoirs qui doivent assurer son bonheur moral et sa prospérité matérielle...".
Présence de l'aumônier est prévue, et prière de début et fin de réunion figurent aux statuts.
Tout ceci évolua dans le temps, et Michel Floch notait déjà en 1921 :
"Autres temps, autres moeurs, la société s'est laïcisée en ce sens qu'elle n'a plus son aumônier, et que la prière est exclue des réunions. Ce même esprit de fraternité anime cependant les membres du bureau et les adhérents. Les réunions mensuelles ont toujours lieu les troisièmes dimanches du mois..."
Pour ce qui est du fonctionnement de notre Mutuelle, le "Journal du Trésorier" fait apparaître une cotisation mensuelle de ses adhérents de 1 franc, le nombre de ceux-ci était de 35 en 1859, et de 90 à 100 en 1875.
Les sociétaires payant leurs cotisation avaient en retour des droits ouverts : prise en charge des dépenses de visite ou consultation du médecin, des dépenses de pharmacie et indemnités journalières en cas d'arrêt de travail dû à la maladie.
La société "assure aux sociétaires en enterrement convenable, une somme de 35 F est allouée pour faire face aux frais funéraires".
Cette dernière prestation est d'ailleurs le lien entre les mutuelles d'hier et d'aujourd'hui et leurs lointaines origines de l'Antiquité et du Moyen-Age. C'est-à-dire avec une époque où l'homme de milieu modeste avait une telle crainte de mourir sans sépulture qu'il s'associait avec d'autres pour l'obtenir.
Les dépenses de médecine, de pharmacie, d'indemnités journalières, sont les plus importantes, s'y ajoutent les aides en cas de décès, le paiement de quelques messes au curé, et de menues dépenses.
Il n'y avait pas à l'époque de dépenses de radiologie, de laboratoire, de kinésithérapie...
La Mutuelle fonctionnait bien, la gestion était sérieuse, les réserves (prévoir en cas de fortes dépenses) se constituaient régulièrement (277 F au 1/4/1859, 1453 F au 1/4/1864, 2003 F au 1/4/1869).
Pour Napoléon III? LA Mutualité est avant tout un instrument de paix sociale.
Mais par la nature des choses, ce qu'il avait insufflé se traduisit par un vaste mouvement qui prit son autonomie par rapport aux désirs de l'initiateur.
La Mutuelle de Saint-Pierre des années 1950 était elle-même très différente de celle de 1859.
Tout le monde a en mémoire les longues discussions menées récemment entre les médecins et la Sécurité Sociale pour le renouvellement de la convention médicale.
Mais saviez-vous que la Mutuelle de Saint-Pierre Quilbignon signait déjà convention avec les pharmaciens en 1913 et avec les médecins en 1917.
Nous reviendrons sur l'histoire de notre Mutuelle dont beaucoup de Quilbignonnais ont gardé le souvenir, car elle n'a été dissoute qu'à une période récente.


J.P. MADEC.