Le
récit d’une enfance heureuse, celle de mon amie Francette Coroleur,
décédée en 2002. Sa fille Brigitte a retrouvé ces pages, elles étaient
destinées à « Mémoire de Saint-Pierre » avec tout ce que ça
représente pour l’un de ses camarades d’enfance, François Kergonou.
Nous sommes donc en 2001...
Je suis née il y a près de 80 ans
dans la maison de mes grands-parents située dans l’actuelle rue Gérard
de Nerval. Ma sœur Mimi avait alors 5 ans. Mes parents ont dû quitter
cette maison et, après de nombreux déménagements, ont fini par
s’installer au Barullu où j’ai passé toute mon enfance. Quel plaisir de se retrouver, nous,
les enfants du quartier ! La route des Quatre-pompes, où la circulation
était pratiquement nulle, nous offrait un vaste champ d’actions :
parties de marelle (détu) de corde à sauter avec « les
simples et les doubles » accompagnés de chansons : le marin que
j’aime, il est loin d’ici, il est à Marseille ou en Italie… La « biche à cacher »
se passait principalement autour du fameux bistrot le « Lapin
Blanc ». Ce dernier était relié à la route des 4 pompes par des
escaliers aux pierres branlantes qui nous permettaient, bien souvent,
de rejoindre le « but » avant celui qui était
« dessous ». A ma connaissance je ne me souviens pas
d’accidents arrivés dans ces escaliers. Miracle !... La ferme de Kernilis avec son allée
bordée de châtaigniers respectables, aux troncs énormes nous offrait à
l’automne les châtaignes très appréciées. Mais l’hiver, la nuit venue,
nous avions hâte de passer cette allée sombre car il n’y avait aucun
éclairage. Kernilis ! C’était tout notre
univers. D’abord la traite des vaches. Tout le monde au pot au lait, en
fin d’après-midi, pour être servi par Herveline. En attendant la
distribution, les langues allaient bon train. Toutefois il y avait,
pour nous enfants, un passage difficile dans l’allée car le chien de la
ferme, heureusement attaché mais menaçant, nous impressionnait.
Le temps de la moisson est venu
Eh oui ! Jean Marie Lunven
plaçait les gerbes de blé, debout pour les faire sécher. Cela
constituait pour nous des caches idéales pour « la biche à
cacher » au grand désespoir de Jean Marie qui retrouvait les tas
de gerbes effondrés. Une fois la moisson terminée, nous étions quand
même autorisés à « pinaouer » (ramasser les épis restant sur le
terrain). Les grains de blé, bien mâchés, nous fournissaient la matière
première de notre chewing-gum (chin gom). De l’autre côté de la route
des 4 pompes, là où se trouve actuellement le laboratoire d’analyses,
il y avait la petite ferme Jacopin, moins importante que Kernilis et où
je me souviens avoir vu les chevaux faire tourner le manège de la
moisson.
Tante Anna
Mon
enfance a été marquée par la présence d’une bonne personne, la tante
Anna de ma mère, connue dans tout le quartier. Le jeudi, et pendant les
vacances, elle nous emmenait dans un petit bois, le bois d’amour du nom
de son propriétaire Mr Lamour. Chacun de nous avait son goûter et… un
bock vide. Dans ce bock nous introduisions des mûres puis de l’eau
provenant de la fontaine qui se trouvait au bas du petit bois. Avec une
petite branche qui servait de mixeur, nous écrasions les mûres et
prunelles dans le bock et nous dégustions le breuvage à notre goûter. Certains jours d’été nous allions au
Ménez, toujours avec la tante Anna, l’herbe était sèche et glissante.
Assis sur une planche nous prenions notre élan du haut de la pente et,
si les « freins » ne fonctionnaient pas, nous nous
retrouvions dans la vase du ruisseau qui, plus bas, serpentait
paisiblement vers la mer. Un beau jour d’été le feu a pris dans
les landes situées entre la poudrière et l’École navale. Compte tenu du
danger d’explosion, nous n’avons pu prendre le bain espéré aux Quatre
pompes en août 1933. Puis, les années passant, je me suis
retrouvée au cours complémentaire des 4 Moulins pour préparation au
Brevet élémentaire et au concours d’entrée à l’École normale de Quimper. Notre société sportive s’appelait la
« Bonne entente » et en uniforme, robe blanche avec créneaux
de couleur orange dans le bas, nous avons accueilli le président Lebrun
devant l’actuelle maison Tallet en construction. Il me semble que
c’était en 1936. Je ne voudrais pas oublier mes
visites au phare du Portzic. Mes parents étaient amis du gardien. Il
venait nous accueillir à la poterne. Le passage en ce lieu, secret et
mystérieux à mes yeux, me plongeait dans une grande admiration, tout en
tenant bien fort la main de mon père. C’est ainsi qu’à plusieurs
reprises, j’ai pu visiter le phare du Portzic de bas en haut…