ECHO DE ST-PIERRE N° 26 Novembre 1990

L'ACTIVITE ECONOMIQUE D'APRES GUERRE

Ce propos a pour but de vous présenter ce que fut vers les années 50-60 ce quartier de St Pierre que l'on aurait pu appeler la 1ère zone industrielle de St Pierre. Est-elle toujours cette pépinière de petites et moyennes entreprises ? hélas non! La dernière disparition, celle du "Beg-Avel" nous pousse à faire cette enquête.

Comprise entre les rues le Kerargroas, Tartu, Champlain, Rue V. Eusen et la petite rue de Narvik, le quartier du Beg-Avel avec environ 4 hectares comprenait plusieurs entreprises et commerces. La seule rescapée mais solide est la SA Witterersheim. Il y avait là la SCIB Bâtiment, L'Hostis couverture, Duffaut peinture, salaisons Beg-Avel, garage Jestin, un chai : Tallet, soit un total d'environ 500 personnes.
Les commerces y étaient nombreux : Boucherie Gaby Marc, Boucherie Loussot, boulangerie Léostic, charcuterie Louis Marc, Café vins et Spiritueux Tallet, coiffure Nédélec, Café épicerie Le Foll, Epicerie Rolland, Epicerie Thébault.
Que reste-t-il de tous ces commerces en 90 ?
Le café Le Foll qui a changé plusieurs fois de propriétaires, la Boulangerie Bréhier, un nouveau commerce photocopie COPIA.

VINS ET SPIRITUEUX: TALLET
Maison née en 1900, elle débute rue Victor Eusen où elle voisine l'épicerie MEVEL en maintenant de l'école Paul Eluard. Les livraisons se font au moyen d'une charrette à bras, un chien aide au transport. Le vin est à 2 sous le litre. Les affaires vont bien et en 1905, la maison crée son 1er chai au 35 rue Le Guennec, elle y restera en 1910.
En 1910 c'est la création au Beg - Avel, rue de Narvik d'un nouveau chai. Le vin est jours à 2 sous le litre. Les établissements Tallet ouvrent en ville 5 commerces "à emporter", et "à consommer". Les livraisons se font au moyen de 3 chars à bancs. Point n'est besoin d'aller loin pour les acheter. Ils sont construits de l'autre côté de la rue chez Georges Petton, charron de son état.
Après la guerre 14-18, c'est la mécanisation: camions US à pneumatiques à bandes et un Dédion, même les ambulances des surplus américains ont servi à transporter le vin.
Les transports sont délicats. Capacité du camion 50 fûts vides, 25 pleins ! Les freins sont faibles et à l'Octroi de Recouvrance si 2 tramways se croisent il ne reste plus que l'échappatoire de la rue Neuve.
En 1935 la maison compte déjà 4 employés dans les bureaux et 8 ouvriers.
En 1949 la suite est prise par Edmond Tallet et cela repart avec un nouvel élan et des idées neuves. L'effectif passe dans les années 60 à 35 employés. Cette activité se poursuivra jusqu'en 1970 où a sonné l'heure de la retraite.
Les activités du chai sont reprises par la société Bretagne Vins qui profitera de ces installations et poursuivra son activité jusqu'en 84, mais cela de plus en plus doucement. En 84, la société Bretagne Vins sera dissoute.

S.A. WITTERSHEIM
La maison Wittersheim fut créée en 1904 par Hervé Wittersheim dont le père travaillait à la Brasserie de Kerinou. Héritier d'une longue tradition de brasseurs car le grand père avait eu en 1866 "une prime" (égale de nos jours à un 1er prix au concours agricole) pour sa culture de houblon dans la commune de BARR en Alsace.
Son premier commerce est celui de la bière qu'il livre chez les particuliers. Les cafés ne vendaient pas de bière. Elle était livrée en fûts de 5 - 10 ou 15 litres. qu'il transvasait de fûts de 200 litres venant de Kerinou.
Le lavage des bouteilles se fait à la main. Ce sont des bouteilles à fermeture mécanique, étanchéité réalisée par une rondelle de caoutchouc. Il ne suffisait pas de pomper pour l'eau, il fallait aussi pomper pour le compresseur de CO2. C'était donc une entreprise où tout était manuel et le nombre d'employés y était d'une quinzaine. En été période faste il y avait un supplément 5 ou 6 jeunes qui collaient des étiquettes.
En 1914 il commence la fabrication de la limonade "La Pétillante", creuse un puits, trouve de l'eau à 17 mètres, et y place une pompe à bras. La livraison se fait exclusivement sur le bourg de St-Pierre, en charrette à bras.
En 1925, un camion "surplus de guerre" en plus des charrettes à cheval aide à la livraison de bière, limonade ou sirop. Vers 1920 apparaît l'électricité. Cela facilite le travail, un moteur électrique est accouplé à la pompe et l'eau sous pression permet un lavage des bouteilles par jet. Le compresseur de CO2 ne nécessite plus l'emploi d'une personne en permanence.
La bière se livre alors en bouteille et en bock, jusqu'en 1959, où la mise embouteille ne se fait plus à la société "Witt" mais à la brasserie, à cause d'un changement de bouchons.
La fabrication est donc consacrée maintenant aux limonades, sodas et sirops, mais il y a du travail pour 11 employés et un directeur.

à suivre

A. Bodénan



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ECHO DE ST-PIERRE N° 29 - FEVRIER 1991

BEG-AVEL: Louis Marc(suite)


Fils de François-Marie Marc et de Joséphine Bénéat, qui avait acheté en 1935 un fonds de commerce de peinture pour le transformer en boucherie-charcuterie, cet homme bien de chez nous est né à Kernan. Il termine ses études à 15 ans avec un CAP de comptabilité........ pour commencer en 1939 sur le tas un apprentissage de charcutier! Mais cela va rapidement se transformer en travail car 1940 voit la déclaration de guerre et les hommes vont partir. Le voilà donc responsable du laboratoire de charcuterie car l'ouvrier qui y travaillait a été rappelé.
Au début, pour lui, comme pour beaucoup d'apprentis, la peau du boudin n'était pas assez solide, mais rapidement le "métier" rentre. En 1942, à 18 ans, il s'est émancipé, car il est chargé de famille. Il est l'aîné et son père est à la guerre. Cela lui permet de se mettre à son compte au 95 de la rue Jean-Jaures, c'est l'ancienne boucherie Caër (St Pierre possédait sa rue J.Jaurès avec son petit Paris, avant son rattachement à Brest).
La libération de Brest fait de lui, comme beaucoup d'autres, un sinistré. Il récupère du côté du Débit Vert une baraque allemande. Il reviendra s'installer au 29 rue Anatole France. C'est alors le charcutier de quartier et en ce moment ce n'était pas le marché au cadran. II fallait acheter sur pied à la ferme, abattre et transformer l'animal chez qui de la tête à la queue tout est fameux.
En 1952 commence la fabrication de conserve de pâté, c'est vraiment de l'artisanat. Le sertissage des boites se fait à la main, et il en faut du personnel quand tout est manuel. C'est déjà presque une PME puisque maintenant 10 personnes y travaillent. Il faut s'agrandir, le pâté est bon, le marché est porteur. Un nouveau laboratoire est construit de l'autre côté de la rue chez Georges Petton, notre ancien charron qui dans les années où le cheval était roi ferrait et cerclait pour le quartier
En 1953 est née la marque Beg-Avel, du nom du quartier et qui signifie "Pointe du vent". Cette marque est enregistrée pour la France et 17 autres pays. La "machine" Beg-Avel prend de la vitesse. En 1957 elle crée un secteur "triperie" et passe à 35 salariés.
En 1961 d'importants travaux sont effectués pour permettre de se faire agréer à l'exportation.
D' n 1962 Beg-Avel obtient le 1er grand prix national au concours de la tripière d'or à Caen. C'est vraiment la référence.
Devant le volume de travail et pour faire face au volume des ventes un projet d'extension de l'usine est mis en place. Cette nouvelle usine aura 75 employés en 1971.
Beg-Avel lance alors une gamme de produits pré-emballés sous vide. Trois ans plus tard un réseau de surgelé est réalisé. Il nécessite la construction d'une vaste chambre (1000m3) de stockage à -20° et de trois tunnels de surgélation à -40° d'une capacité de 10 tonnes par jour. L'entreprise compte alors 160 salariés.
En 1974 à St Renan, en plein centre de production porcine, est crée un abattoir d'une capacité de 400 porcs par semaine. L'entreprise est à cette époque capable d'une fabrication de 10 tonnes par jour dont la moitié est vendue à l'exportation.
L'entreprise à son apogée compte 230 employés. Cela va continuer jusqu'au jour où Louis Marc en 1988, à l'âge de 64 ans prend sa retraite.
Un repreneur, il en trouve, avec en plus de belles promesses pour le personnel: augmentation de l'effectif de 100 personnes avec la construction à Kergaradec d'une nouvelle usine.
Mais les repreneurs ne tiennent pas longtemps: 15 mois pour les abattoirs. 2 ans 1/2 pour l'usine.
Pourtant les produits BegAvel, c'était une référence. De 230 employés à 0 et cela en si peu de temps. C'est vraiment un site industriel qui disparaît et les gens du quartier évoquent le "bon temps" avec beaucoup de nostalgie.

A. Bodénan