ECHO DE ST-PIERRE N° 27 - DECEMBRE 1990

LA CHAPELLE SAINTE-BRIGITTE

Il existait autrefois, à deux cents mètres du Bourg de Saint-Pierre, dans la prairie de Portsmeur, une chapelle ancienne, au doux vocable de Sainte-Brigitte. La vallée elle-même, était désignée sous ce nom, jusqu'à le laisser, de nos jours encore, à cette antique et humble fontaine qui coule toujours à nos pieds...

Avant cette chapelle, il en existait une autre dont on situe la date de fondation, vers le 15ème ou 16ème siècle. Mais l'histoire s'arrête-t-elle là ?... Si l'on veut remonter aux origines, 1er et 2ème siècle, le nom de Brigitte se rapporte à une déesse celtique païenne. Plus tard, au 5ème siècle, une princesse irlandaise illustra ce nom par sa sainteté et ses miracles. C'est notre Sainte-Brigitte, dont la réputation traversa la Manche avec les Celtes, refoulés par les Saxons, venus chercher refuge en "Petite Bretagne". Voilà pour l'histoire... Pour ce qui est de notre oratoire, il est certain que la fontaine voisine était le complément indispensable des sanctuaires de l'époque. Je vous laisse méditer... (1)

Revenons plus près de nous, dans le temps, à Portsmeur. C'était en 1823... On raconte qu'une grande pénitente, revenue à une vie meilleure, aurait alors dépensé des sommes importantes pour la reconstruction d'un édifice, tombé en ruine. L'évêché possède encore dans ses archives, l'acte notarié, notifiant que la "Fabrique" (2) en devint propriétaire, en ce 21 octobre 1822. L'étude était celle de M. de la Porte, de Brest.

L'autel est des plus tristes, nous dit M. Morgant, recteur de Saint-Pierre. Une petite fenêtre de part et d'autre, plus un vitrail au-dessus de l'autel, éclairent la statue de Sainte-Brigitte ("ancienne") et de Saint-Joseph ("de nulle valeur").

Voici ce qu'en dit d'autre part, un historien local, en 1850.
"Ne quittons pas le bourg, sans dire un mot du très ancien sanctuaire de Sainte-Brigitte qui se cache au bas du bois (3). Cette chapelle fut rachetée en 1820 par M. Milin, recteur et reconstruite en 1823. Aujourd'hui, elle est complètement abandonnée et les murs couverts de lierre tombent en ruines".

Le pardon avait lieu le 8 octobre, mais effectivement fêté le deuxième dimanche du mois. On y disait la messe trois ou quatre fois l'an, à l'intention des femmes venues y demander la grâce d'une heureuse délivrance.
Selon un témoignage oral, une très vieille dame m'a rapporté qu'à la nuit, quelquefois, on voyait scintiller, à travers les vitres, la lueur d'un cierge. Une naissance s'annonçait. C'était l'invocation discrète de la famille pour que tout se passe bien.

La loi de Séparation, du début du siècle, en avait rendu la commune propriétaire. Dans sa séance du 7 août 1921, le conseil municipal a émis le voeu que notre vieille chapelle soit démolie, pour éviter les accidents. Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, devait autoriser les catholiques à l'acheter. C'est ainsi qu'elle fut adjugée, le 29 novembre 1921 à Mme Tréguer, de Portsmeur, pour la somme de cinquante francs, à charge pour elle de l'abattre. Ce fut sûrement un moment pénible pour beaucoup de gens. Mon père m'en avait confié toute sa rancoeur, à travers l'image de ce cheval attelé au clocher, afin de l'abattre. C'était au début de 1922. Certains diront 1924... (4).

Les pierres provenant de cette démolition furent dispersées. Certaines ont servi à reconstruire la maison de la famille Gac, de Kernabat. Un pan de mur s'était écroulé, un jour de tempête. D'autres ont été employés pour la construction de la demeure de Charles Coat, à une centaine de mètres de la précédente, tandis que l'ogive de la porte d'entrée s'en est allée, croit-on vers Traon-Bian.

Voici donc, hélas, notre chapelle disparue. La croix du clocheton fut placée au-dessus de la fontaine. Elle s'y trouve encore, mutilée, comme on l'a toujours connue. Mais nous dira-t-elle pourquoi ? Questionnez-la ! Etaient-ce les excès de la Révolution ou simplement, plus près de nous, les effets de l'écroulement, sous l'effort du cheval ? Se consolera-t-elle en écoutant le doux murmure de l'eau ? Demandez-le lui, ne pleure-t-elle pas toujours son petit clocher ?

La statue de Sainte-Brigitte et le vitrail, d'au-dessus de l'autel, furent placés, en attente, au patronage, en 1924. S'y joignait une statue de Saint-Pierre qui provenait, pense-t-on du "jardin" de la chapelle, sans doute pour accueillir le visiteur. Les deux statues furent placées, par la suite, de part et d'autre du portail d'entrée de l'église paroissiale. Regardez-les en passant. N'ont-elles pas, dans leur regard, la nostalgie de ce joli coin de Portsmeur ? Quant au vitrail, nulle trace actuellement. A-t-il été détruit par la guerre ? Ou bien, peut-être qu'un jour...

Il vous arrive certainement de vous promener du côté de Sainte-Anne du Portzic. Vous aimez cette vieille chapelle et vous vous y arrêtez... Eh bien ! fermez les yeux et, dans votre esprit, pour quelques instants, transposez-la à Portsmeur, vous savez, tout en haut de la prairie, telle qu'elle était autrefois. Vous aurez alors le panorama de ce joli paysage d'antan. Car Sainte-Brigitte ressemblait beaucoup à Sainte-Anne de par son lieu de culte.

Voilà! Mais au fait, où était-t-elle ? C'est vrai, il reste à découvrir l'endroit exact où se situait notre vieille chapelle. Mais j'ai ma petite idée là-dessus. A bientôt.

F. Kergonou.


(1) Abbé Pierre Kervennic : 28/5/1984
(2) Archives de Michel Floch : "Nos paroisses bretonnes" . Fabrique : autrefois, biens, revenus d'une église.
(3) Voir "Echo de Saint-Pierre" n° 2, mars 1988 (où la place du bourg s'appelle "Ar c'hoat" (le bois).
(4) Lettre du Ministère de la Culture à M. l'abbé Jean Kervennic : 23/4/1981.