N° 32 - MAI 1991 L’ECHO DE SAINT-PIERRE



UNE USINE A SAINT-PIERRE : LA THOMSON C.S.F.



Après avoir rappelé ce qu’était le site de Beg-Avel et ses nombreux emplois, nous traitons cette fois-ci de l’implantation de la C.S.F. à St-Pierre et de l’intégration de ces “nouveaux” dans notre quartier. Article prévu depuis plusieurs mois mais devenu très actuel aujourd’hui.

1960, après avoir, en vain, recherché du travail dans la région, les jeunes ouvriers, au retour de service militaire, prennent le train pour Paris. D’autre part l’agriculture se modernise. La mécanisation supprime les bras, l’exode rural dans le Finistère est massif. La conjonction des deux évolutions développe chez les jeunes un sentiment d’injustice au retour de cette “guerre d’Algérie”.
Pour la première fois depuis la guerre, des manifestations paysannes deviennent très dures. La revendication de “Vivre et travailler au pays” et surtout rester en Bretagne, perce Matignon puis l’Elysée. En 1961, Michel Debré, alors premier ministre, oblige la C.S.F. (Compagnie Générale de la Télégraphie Sans Fil) à abandonner son projet d’usine d’Aix-en-Provence et à s’implanter à BREST. Les manifestations paysannes auront obligé le gouvernement à décentraliser pour freiner la montée du chômage en Bretagne.
1963, sur le terrain de la “Ferme de Kersteria”, les bâtiments de la C.S.F. accueillent les 300 premiers ouvriers et employés issus pour la plupart de la région brestoise. Une centaine, composée de techniciens et d’ingénieurs, sont en stage à Paris et viendront fin 1963 rejoindre ceux qu’on appelle déjà les “Brestois”. Issus, pour la grande majorité, de Bretagne, ces techniciens auront déjà vécu 2 à 3 ans à Paris. Après avoir ainsi connu l’exode, ils reviennent au pays en ayant la ferme intention de ne plus le quitter ! Cet esprit marquera et marque toujours les salariés de l’actuelle Thomson C.S.F. de Brest, “Se battre pour vivre et travailler au pays”.
D’abord sceptiques par rapport à ce “parachutage parisien”, puis étonnés face à cette électronique qui bouleversait le milieu industriel brestois, alors dominé par la réparation navale et l’arsenal, les brestois acceptèrent très vite les salariés de la C.S.F. L’assimilation se fera rapidement.
De 1968 à nos jours, les luttes incessantes pour le développement industriel de la région brestoise seront soutenues en majorité par les travailleurs de cette usine ! Les associations familiales C.S.F. et C.S.C.V. y puiseront bien des militants et militantes et feront éclater les idées de salaires pour la femme au foyer “puis d’assistantes maternelles”.
Dès 1964, on trouve dans les bureaux des associations de parents d’élèves, de clubs sportifs, d’animations de quartier, des animateurs travaillant à la Thomson. Associés aux travailleurs de l’arsenal, aux ouvriers de chez “Beg-Avel” aux commerçants de quartier (très peu malheureusement) ils font partie intégrante des équipes d’animation. Rappelez-vous “Noël en HLM à Kérargaouyat”, les rencontres sportives de Kérourien, la lutte bretonne à la Légion St -Pierre, les diverses animations dans le nouveau quartier de la Cavale Blanche, ou encore la mise en valeur des chemins piétonniers par l’association “A pieds” etc...
Aujourd’hui encore, ils sont dans les partis et syndicats, dans les maisons de quartiers, à la Mairie de St-Pierre, à la Cavale, au stade Q. ou à la Légion. Ils ont fait souche à St-Pierre, et très peu quitteront, lors de la retraite, ce bout de Brest si proche de la mer et si près de la campagne.
Ainsi le sang neuf de la jeunesse, les nouvelles techniques, d’autres habitudes, 30 ans après, auraient été assimilées, digérées. Et les “Thomson” sont devenus les “gens de St-Pierre”, prêts, à leur tour, à accueillir d’autres jeunes, d’autres techniques, d’autres...différents !
C’est la particularité de notre pointe de Bretagne, d’être ouverte à tout courant, tout mouvement. C’est notre diversité qui fait la richesse de notre région !

Gaby L’HOSTIS.