ECHO DE SAINT-PIERRE N° 40 - Février 1992

LE PLATEAU DE SAINTE-ANNE DU PORTZIC SOUS L’OCCUPATION


LE CAMP HERMANN LONS
:
Dès 1940, l’occupant allemand, envisageant la construction d’une importante base pour ses sous-marins, organise le recrutement et le logement de la nombreuse main d’oeuvre qui sera nécessaire.
Vers octobre 1940, le gouvernement de Vichy se plaignait auprès de l’occupant, du trop grand nombre d’étrangers divers, internés sous sa surveillance et à sa charge. A Argelès-sur-Mer (Pyrénées Orientales) se trouvaient 800 prisonniers, espagnols “rouges” pour la plupart, des juifs et des apatrides. Les allemands ayant besoin de travailleurs pour leurs travaux sur le mur de l’Atlantique, les firent venir comme “volontaires d’office”. Encadrés par des gendarmes français, ils furent transférés à Saint-Pierre Quilbignon, où se trouvaient quatre
camps :
- Le camp du Fort de Montbarey : entre 5 et 6000 étrangers y cantonnaient, des baraquements avaient été construits dans les douves pour en augmenter la capacité d’hébergement.
- Le camp du Fort de Kéranroux : il s’y trouvaient beaucoup d'espagnols.
- Le camp du Fort du Questel : celui-ci -était réservé à une centaine de chauffeurs et à leurs camions. Ils devaient y entrer leurs véhicules tous les soirs.
- Le camp HERMANN LONS : situé au Portzic. Ouvert le 16 juin 1941, il n’était pas encore terminé (il avait pris du retard, car commencé dans la vallée de Pont-a-Louët, il avait été déplacé à la demande de la marine qui craignait que l’on souille l’eau des sources qui l’approvisionnaient). Il avait été commencé par l’organisation TODT. (1) Ce fut là qu’arrivèrent nos 800 prisonniers, qui passèrent sous la surveillance de la “SS Politzei”. Leur premier travail fut de terminer le camp qui se situait près de la ferme Le Roux et à côté de l’ancien château des Rodellec-du-Portzic (château qui avait brûlé en 1897 et dont il ne restait qu’une annexe, et, séparée, la chapelle.
Caché dans le bois, alors important, où ne fut abattu que le nécessaire d’arbres permettant la construction des baraquements, il n’était donc pas visible de la terre, et très difficilement du ciel. Une fois le camp terminé, clôturé de barbelés, les prisonniers avec des milliers d’autres ouvriers, travaillèrent incessamment sur ce pourquoi ils étaient là : la base sous-marine et le mur de l’Atlantique.

1) TODT : c’était le génie militaire allemand, du nom de l’ingénieur Fritz Todt qui créa le service en 1933.
2) FLAK : canon antiaérien.

(à suivre)


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ECHO DE SAINT-PIERRE N° 41 - Mars 1992

LE PLATEAU DE SAINTE-ANNE DU PORTZIC SOUS L’OCCUPATION
LE MUR DE L’ATLANTIQUE (suite)

Le mur de l’Atlantique nécessita l’utilisation de 13 300 000 m3 de béton et de 1 200 000 tonnes de fer. La construction de la base sous-marine en pris 500 000 m3 et certains jours, ce fut 4 000 m3 qui furent écoulés. Le travail y dura 500 jours. Ceci nécessita des installations importantes. Pour le transport des matériaux 700 camions circulaient, une ligne de chemin de fer reliait “Kerstéria” (actuellement THOMSON-CSF) où étaient stockés des matériaux à destination de la base sous-marine.
Vu la pente importante, ce trains empruntait un trajet partant de la base sous-marine, franchissait une estacade permettant de franchir le dénivelé de la Maison Blanche, puis remontait la riante vallée de Pont-a-Louët jusqu’à la carrière Boulic, après un effort, avec l’aide d’un aiguillage, il revenait à flanc de versant en direction de la ferme du Coat. Pour ce faire, il enjambait l’actuelle rue Jim Sévellec où fut construit un pont. Après l’escalade de cette soixantaine de mètres de dénivelé (ce qui justifiait ce zigzag) réaiguillage, et c’était enfin le plateau de Sainte-Anne. Là se trouvait le ravitaillement en eau et charbon des locomotives. Le train ravitaillé, pouvait reprendre son trajet vers Kerstéria. Pour la suite et la construction des blockhaus, une voie supplémentaire vint desservir une centrale à béton construite au niveau du plus important de ceux-ci (où se trouve actuellement l’hôtel du Belvédère).
Le 15 avril 1943, les travaux de défense du plateau et de la plage s’achevèrent. Les fermiers des environs et les habitants du Cosquer furent frappés d’expulsion. Les exploitations agricoles furent dynamitées, le bois où se trouvait le camp HERMANN LONS rasé, le camp démoli. Le plateau de Sainte-Anne du Portzic était nu. Le terrain fut miné, creusé de fossés antichars, des barbelés furent installés. La zone fut interdite aux civils. Le camp HERMANN LONS fut transféré à Kéroual. L’armement sur le plateau de Sainte-Anne était pour la défense, en cas de débarquement, d’une batterie de 3 canons de 88. A l’entrée de la plage de Sainte-Anne, se trouvaient un canon de 40 mm et face à la plage un nid de mitrailleuses.
Sur le plateau, se trouvait en plus, une Fiak (2) de 8 canons de 105 mm ; ces canons pouvaient tirer jusqu’à 10 000 m d’altitude. La libération de cette zone, avec toutes ces défenses, fut très difficile et causa de nombreuses pertes parmi les troupes américaines, encore furent-elles atténuées par la présence à leurs côtés de FFI originaires de l’endroit.
A la libération, non sans peine, chacun retrouva les lieux, mais c’était un paysage plutôt lunaire. Le travail de la nature et des hommes a gommé une grande partie des ravages. Actuellement, les arbres repoussent, et la vue sur la mer est toujours aussi belle. L’ouverture (retardée pour découverte d’un dépôt de munitions) du sentier côtier, nous permettra bientôt de découvrir, pour les anciens de revoir, ce site magnifique.