ECHO DE SAINT-PIERRE N° 46 - Septembre 1992

L’ETE AUX QUATRE-POMPES

L’été 92 s’en est allé dans la grisaille. C’est l’occasion de rappeler les étés d’autrefois, où il y avait du soleil - du moins dans nos mémoires.

Voici un extrait de la Vallée des Lavoirs, en vente à la Maison de Quartier, de François Kergonou.

“... Je ne résiste pas au plaisir de vous parler des Quatre-Pompes. Tout comme la Maison Blanche, ce quartier avait aussi son “pardon”. Bien connue cette fête ! Particularité, la course aux canards, lâchés sur la mer, face au petit môle. Les meilleurs nageurs étaient là... Il fallait se saisir du palmipède par les pattes précisément, par surprise.Il devenait alors la propriété du nageur qui s’efforçait, tant bien que mal, de conduire sa prise à bon port. Essayez donc, vous verrez que ce n’est pas facile. Pour ma part, je préférais savourer une glace verte, à la pistache, mais mon frère, lui, devenait sous-marin ce jour-là, poussant même le luxe de sortir les doigts de l’eau en guise de périscope.

Je vous avouerai toutefois que je ne me rappelle pas, pour autant, de la venue de canards à la maison. Autre jeu, autre exploit, le “mât de cocagne”. Genre de poteau téléphonique, préalablement suiffé, il était dressé et haubané en haut de la grève, face au bistrot d’angle, à l’amorce du chemin côtier menant à la Maison Blanche. Tout au bout du mât, une potence où étaient accrochés quelques lots dont il me reste, en esprit, une seule image : un saucisson. Pas facile non plus, mais si vous avez l’occasion, tentez quand même votre chance...

Cette grève des Quatre-Pompes était pleine de vie, surtout les soirs et dimanches d’été.Il y avait ce petit môle en ruines, assez mystérieux quant à ses origines et son utilité, à l’intérieur duquel quelques poissons se laissaient parfois surprendre par la marée. Et plus loin, ce petit mur plus ou moins écroulé également, qui descendait jusque dans la mer. A la belle saison, son ombre était assez prisée, au point de retenir quelques familles pour la journée. Quelques petits bateaux se balançaient mollement sur l’eau calme et puis, sur fond de tableau, la digue et les bâtiments école tout proches. Les Quatre-Pompes, la Maison Blanche, la Corniche étaient des promenades de prédilection. Au beau temps, toute la population de Saint-Pierre, et d’ailleurs, s’y croisait, tout comme sur la digue d’ailleurs, alors ouverte à tous, y compris aux nombreux pêcheurs. Certains chalands d’appontement en étaient même si garnis que les embarcations de service avaient du mal à y accoster. De surcroît, certains, dont moi-même, pêchaient avec deux lignes à la main. Voyez un peu la tête de ma mère quand mon frère et moi revenions à la maison, le soir, avec quelquefois une centaine de chinchards... Même les chats faisaient les difficiles...

Le dimanche était plutôt réservé à la promenade. Avec le soleil, mon père arborait son canotier, sans oublier sa canne en acajou. Ma mère revêtait également une tenue de circonstance... Par la suite, en remontant vers chez nous, il était d’usage de s’arrêter au débit de la Salette, accueillis par le sourire de la brave tenancière, sous sa coiffe de Douarnenez. Il existait là une salle, dallée de pierres, où il faisait bon entrer et se rafraîchir.


F. KERGONOU