ECHO DE SAINT-PIERRE N° 55 - Juin 1993

VIVE NOTRE GARE ET ... EN ROUTE POUR LE CONQUET...

Décidément, rien ne manquait chez nous, à Saint-Pierre Quilbignon. Une gare, le saviez-vous ? A l’approche des beaux jours, auriez-vous souhaité, vous aussi, aller vers les belles plages environnantes pour mieux goûter la nature et répondre à l’appel du large ? Oui...

Ils en avaient de la chance des Quilbignonnais ! Certes, il y avait déjà eu "l Hirondelle", fameuse diligence omnibus, traînée par trois chevaux qui pouvaient transporter, lors des longues journées de l’été, jusqu’à 25 personnes par jour. Ce service adjugé à Mme Le Bars, du Conquet, subsista jusqu’au 25 mars 1903 (1).

C’était donc il y a toute juste quatre vingt dix ans... A l’origine de l’histoire qui suit, celle de la ligne de tramways du Conquet, se trouve une première idée d’Olivier Leroy de Kéraniou, capitaine au long cours, devenu attaché aux travaux du port de Brest. Une très sérieuse commission, instituée pour examiner ce sujet, en 1873-1874, pensait que le trafic local serait insuffisant, et que l’intérêt stratégique d’une telle ligne (desserte des forts de défense côtière) n’était pas établi. Il n’en fût pas de même après les événement de Fachoda, en 1898. Une nouvelle impulsion fut donnée à l’affaire, tant la crainte était grande de voir les Anglais débarquer aux Blancs Sablons. A ces arguments s’ajoutèrent des raisons économiques tel que l’approvisionnement des marchés de Brest.

Après souscription, close de 22 octobre 1900, et après quelques tribulations de mise, ce fut par décret du 11 septembre 1902 que la ligne des tramways du Conquet allait pouvoir enfin se réaliser.

Le point de départ initial des tramways de la nouvelle ligne avait été choisi à Saint-Pierre-Quilbignon. Vous n’en serez pas étonnés. La commune dépassait déjà les 10 000 habitants, et marquait, vers l’ouest, la fin de l’agglomération brestoise. Un bâtiment de gare, à étage, remplaça rapidement la modeste cabane mise en place pour l’ouverture. Le parcours d’essai eut lieu le samedi 27 juin 1903, vers 17 h 15. Le service régulier le 12 juillet de la même année...

Mais la compagnie n’avait pas prévu un tel engouement de la population pour les voyages. On dut refuser des candidats aux nouveaux horizons. Confidence, on vit même des “trams”, bondés jusqu’à l'extrême, jusqu’à 23 heures, et même parfois minuit, certains dimanches inondés de soleil. Cette affluence est confirmée dans les chiffres... Songez, en restant dans le contexte le l’époque, qu’il y eu 130186 voyageurs entre le 12 et le 31 juillet, 24 987 en août tout en retombant, aux prémices de l’automne, à 20 460 en septembre. L’on ne savait plus où faire face au-delà des 6 services réguliers quotidiens et des services supplémentaires limités par le nombre des tramways. Et tout ceci, sans parler de l’affluence des marchandes de beurre, venues de partout, pour écouler la précieuse denrée à Saint-Pierre et ailleurs... Ce jour étant le vendredi.

A suivre..

F. Kergonou


(1) Le tramway de Brest au Conquet par Jacques Chapuis.


********************************************



ECHO DE SAINT-PIERRE N° 56 - Juillet-Août 1993

VIVE NOTRE GARE ET... EN ROUTE VERS LE CONQUET...(suite)

La gare ? lieu assez convivial et carrefour des activités pour beaucoup de gens. Au rez-de-chaussée, il y avait la salle d’attente, cela va de soi, disposée de quelques bancs, ce qui est déjà une consolation quand il faut patienter.

Une petite loge où l’on prenait son billet et, dans le fond, le coin du contrôleur et de sa famille. L’on y accédait par les escaliers extérieurs que vous voyez encore de nos jours. Le contrôleur n’était pas souvent chez lui d’ailleurs, ni même dans la gare, car son travail se trouvait sur la ligne, tandis que son épouse délivrait les billets 1/4 d’heure avant le départ du tram. Six rotations par jour en temps normal, et bien davantage aux beaux jours. Dans le bâtiment, accolé en prolongement (devenu douches par la suite) il existait un groupe électrogène complémentaire, au centre de Pont-Rohel, pour l’alimentation en énergie électrique de la ligne. Moteurs, courroies, c’était un domaine réservé, où les visiteurs n’étaient pas admis. Nous n’insisteront pas.

Grande lacune, j’oubliais de vous dire qu’en période d’affluence de voyageurs, on accrochait au tramway un “buffalo”. Baladeuse où il était bien agréable de voyager, et même de descendre, tout en arpentant la côte de Pont-Rohel, histoire de goûter quelques mûres. Le tram un peu poussif à cet endroit, montait péniblement. C’était peut-être pour mieux admirer le paysage. Ces buffalos étaient dotés de lourds rideaux de toile jaune et blanc ou bleu et blanc. Bref, des couleurs supplémentaires à l’attrait du voyage. Le 5 août 1908, la ligne des tramways du Conquet fut reliée jusqu’à Recouvrance avec une descente sur les Hauts de Sainte-Anne du Portzic (à compter du 12 septembre). Bonheur complet, quoi, pour des candidats au rêve.. Pas cher d’ailleurs, environ 7 centimes du kilomètre en première classe, 5 centimes en seconde avec demi-tarif pour les enfants de 4 à 7 ans, et une taxe de 2 centimes pour les chiens, ce qui aurait été une fortune, vous vous en doutez, pour cette compagnie, de nos jours.

Mais, tout a une fin. Le service d’autobus Verney commença son service régulier sur la ligne du Conquet. Les tramways, déjà en question depuis plusieurs années par suite de la concurrence des cars, cessèrent leur activité le 5 octobre 1932.
Et si nous les avions encore de nos jours ?

F. KERGONOU