ECHO DE SAINT-PIERRE N° 73 - Février 1995

LES PAYSANS DE SAINT-PIERRE

C’est le titre du dernier ouvrage publié par le Groupe d’Histoire locale de la Maison de Quartier de Saint-Pierre.
Il succède à “Saint-Pierre Quilbignon” par M. Floch, à “La vallée des lavoirs”, par F. Kergonou, et à “Autrefois Saint-Pierre” présenté à travers de vieilles cartes postales.

Pourquoi “Les paysans de Saint-Pierre” ? Tout simplement, parce qu’il n’y a pas si longtemps, Saint-Pierre était une commune rurale. Il n’est que d’entendre parler du “bourg de Saint-Pierre” comme on parle du “bourg de Plouzané”.

Et il nous a semblé important de restituer la mémoire de cette époque, guère perceptible aujourd’hui pour beaucoup de résidents d’un Saint-Pierre très urbanisé. C’est une des tâches que s’est fixée le groupe d’histoire locale : transmettre, publier les traces du passé, les verser dans le domaine public, ceci ne pouvant qu’enrichir ce patrimoine historique, culturel, qui est le bien de tous. Notre chance, c’est d’avoir trouvé un auteur, fin connaisseur, fin observateur du milieu rural, et notamment des paysans de Saint-Pierre des années 1920 à 1940.

Issu du milieu, Jean Kervennic, 85 ans, “prêtre retraité”, né à la ferme de Kerstéria, là où s’est installée l’usine de la CSF, devenue Thomson, porte un regard affectueux, un brin nostalgique, sur cette société rurale. On peut parler de société rurale, car il y avait à l’époque 130 fermes autour du “bourg” (contre une dizaine aujourd’hui), ceci représentait une population qui avait en commun, le travail de la terre et tout ce qui en découle : le rythme des saisons, les travaux, les marchés, les mariages, le mode de vie...

Il y avait une identité paysanne sur Saint-Pierre. Il en reste des témoins, et cela est apparu, lors de la conférence organisée avec J. Kervennic et Mme Cadiou, en décembre dernier. De nombreuses personnes sont venues confirmer le récit de J. Kervennic, et témoigner de la réalité quilbignonnaise de l’époque. Dans son ouvrage, J. Kervennic offre un large panorama de la vie paysanne : travaux des champs, l’exercice du métier par les adultes, les enfants, la situation des femmes, des personnes âgées, les mariages, la vie religieuse, l’équipement de la maison, l’environnement à travers les talus, les routes, les rapports avec la ville...

Mais, il ne fait pas que décrire. Une grande humanité lui permet de présenter les hommes, les femmes à l’oeuvre, face aux difficultés du métier, de l’existence. Il exprime aussi un grand attachement à sa commune de Saint-Pierre et un regret de son absorption par Brest.

En illustration de l’ouvrage de Jean Kervennic, Hervé Cadiou présente la vie d’un agriculteur de Saint-Pierre, qui a traversé le siècle, Yves Le Roux, que le groupe d’histoire locale avait rencontré en 1989 et 1991. Il se souvenait de l’incendie du Château en 1897, il racontait la dureté du métier de paysan lorsque l’on sort de l’école à 14 ans.

Sa vie sera marquée par les deux guerres. En 1918 quand il revient d’Allemagne, ses parents sont décédés, la ferme a cessé d’être exploitée, il faut tout recommencer. En 1943 les allemands rasent les bâtiments, et en 1946, il faut tout refaire...

En conclusion, un livre très intéressant sur l’histoire locale, mais aussi, tout un éclairage sur la vie d’une société en voie de disparition : celle des paysans.

J.P Madec.