ECHO DE SAINT-PIERRE N° 90 - Mars 1997
DE TREFEUNTEC AU POLYGONE
Laventure de Jean-Marie Le Bris, Précurseur de laviation
Nous sommes au Polygone de la Marine en 1868.
Les matelots du Borda qui tirent allègrement cette espèce doiseau, ne sont pas là pour samuser. Ils procèdent à un essai denvol de cet appareil baptisé Albatros, qui sélèvera finalement jusquà une cinquantaine de mètres, et parcourra environ deux cents mètres avant deffectuer une prise de terrain parfaite en glissant légèrement sur lherbe.
Mais, revenons une cinquantaine dannées en arrière. Le 25 mars 1817 naissait à Concarneau, au sein dune famille nombreuse, un certain Jean-Marie Le Bris, dun père capitaine de barque. Comme tous les gamins de son âge, cest en fréquentant assidûment le port, les quais, les bateaux, les pêcheurs, que prit et saffirma sa vocation pour le métier de marin.
Quelques années plus tard, sa famille émigra à Douarnenez, et cest au PortRhu quil sembarqua pour la première fois comme mousse à lâge de onze ans, et cest là, à ce port dattache, quil revint au gré des escales.
En 1837, il vint faire son service militaire à Brest, et cest dici quil partit pour le premier tour du monde à bord de LHéroïne.
Cest au cours de ce voyage, en observant attentivement le vol des oiseaux de mer, quil fut pris dun ardent désir détudier les réactions des oiseaux dans les courants aériens, les mouvements qui animent la courbure de leurs ailes, et tous moyens propres dévoluer un jour comme eux dans lespace infini.
Mais, ce nest quen 1856 où, commandant la goélette La Coquette, il faisait de fréquentes escales à Douarnenez où résidait sa famille, quil entreprit la construction de lappareil de ses rêves, ressemblant à un gigantesque albatros, pour lequel il prit un brevet dinvention le 9 mars 1857.
Dans le village de Tréfeuntec en Plounévez Porzay, il réalisa, à labri dune grange, loiseau artificiel qui fut une pure merveille ; malgré la robustesses de sa construction, les lignes étaient fines et élégantes.
Un dimanche de décembre 1856, toutes conditions favorables paraissant réunies, lattelage portant loiseau installé sur son bec sébranla vers la plage voisine.
Cest donc sur cette immense plage, au fond de la baie de Douarnenez, à proximité de la pointe de Tréfeuntec, que Jean-Marie effectua son premier essai.
Au coup de fouet de son conducteur, lattelage sélança au trot, puis au galop. Lélan jugé suffisant, loiseau vibra profondément, et, dun seul bond, sélança dans les airs.
Tout en manoeuvrant ses leviers au mieux des impulsions de son instinct dhomme oiseau, Le Bris ne sétait pas aperçu quil avait entraîne avec lui le conducteur de la charrette, happé par une corde. Telle une queue de cerf-volant, ce dernier apporta sûrement à loiseau, la stabilité naturelle qui lui faisait défaut. Alerté par les cris, il manoeuvra pour revenir au sol, dans un vol plané impeccable.
Les participants à ce premier vol avec passager (bien involontaire) furent le charretier, le meunier Jean-Pierre Doaré, et les aides pour le décollage Charles Martin et Guillaume Le Coz, préposés aux douanes.
Les témoins, M. Moufflet, commissaire de la Marine, administrateur de linscription maritime, M Kerbriand, vérificateur des douanes, M Le Clech, notaire et M. Béleguic, juge de paix. Un monument à Tréfeuntec relate cet exploit.
Par la suite, en 1868, au Port Napoléon, actuellement Port de Commerce, à lemplacement de la rue J.M Le Bris qui porte son nom, il se lança dans une nouvelle tentative hélas moins couronnée de succès, et enfin, au Polygone où la Marine qui apportait son aide, exigea quelle fut effectuée sans pilote. Une ultime tentative se termina en catastrophe, et loiseau fut définitivement détruit.
Il faut tout de même retenir que Jean-Marie Le Bris a été le premier homme qui, sur un appareil plus lourd que lair, ait pratiquement quitté le sol en s'inspirant du vol des grands oiseaux, alors que dautres précurseurs partirent dun point haut pour se laisser glisser au sol.
Jean Le Goualch.
Annexe : caractéristiques générales de lAlbatros :
envergure : 15 m 25
profondeur maximum : 2 m 00
surface : 20 m2
longueur : 4 m 10
plus le gouvernail (hors tout) : 6 m 00
Documentation :
Jean-Maire Le Bris, marin breton, précurseur de laviation de Charles-Yves Peslin
Edition du Journal Les Ailes