ECHO DE SAINT-PIERRE N° 92 - Mai 1997

SAINT-PIERRE DANS LES ANNEES 30 (suite)

François KERGONOU a relaté avec beaucoup de saveur sa vie au Barullu, ses loisirs au bord de la mer, le commerce de ses parents... dans son ouvrage “Barullu de mon enfance”. Mais en d’autres quartiers de St-Pierre, en ces années 30, comment cela se passait-il ?
Dans notre quête du passé, nous sommes allés (H. Cadiou, F Kergonou et J.P. Madec) rendre visite à J. Vénec, enfant de Coat-Tan.
Pour J. Vénec, la disposition géographique de l’époque est vite campée : il y a la Rive Droite et la Rive Gauche à St-Pierre, l’axe étant la route qui relie St-Pierre au Conquet. J. Vénec, habitant Coat-Tan, sera donc un Quilbignonnais de la Rive Droite de... la route du Conquet. Il faut dire qu’à l’époque, cette dernière coupait véritablement St-Pierre en deux.
J. Vénec pratiquait d’ailleurs peu le changement de Rive. Il ne fréquentait pas beaucoup le bord de mer, pas plus le patronage de vacances, et rarement le cinéma de la Légion St-Pierre.
Et lorsqu’il n’y avait pas d’école, il évitait de venir au bourg, car il lui aurait fallu se changer. Non, il préférait rester dans sa campagne. Chercher des nids jusque Lanninguer, Le Questel, Pont Cabioch (en ne prenant en général que des oeufs de merles), pêcher le vairon avec un mouchoir en guise d’haveneau n’en étaient qu’un aspect, car on pouvait aussi se distraire et jouer à Coat-Tan.
Le spectacle était souvent fourni par les militaires en exercice sur la butte du Polygone, certains circulant même à cheval jusqu’au quartier de Coat-Tan.
Le site était aussi lieu de spectacles sportifs, et notamment au stade du Poly, il y avait des marins qui pratiquaient le rugby, sport peu connu dans la région à l’époque.
Mais on n’était pas que spectateurs, on était aussi acteurs. Quant il n’y a pas école, le jeudi, les collègues attitrés de Jean sont là ! et place aux jeux !
Ceux-ci varient suivant l’âge et la saison, et vont du cerceau au traîneau que l’on pratiquera sur la butte. C’est la débrouille et le bricolage : on se fabrique des jeux et pour les roues, on utilisera celles de vieux landaus ou des boîtes de cirage.
Une équipe de foot s’était créée sur le secteur, le “Stade Fringant”. Mais, il n’y a pas de terrain, aussi utilise-t-on les champs qui s’y prêtent, ou le fort du Questel. Les sabots sont attachés avec de la ficelle et on va à la recherche de godillots au “champ de fum”.
Les sabots de Jean étaient d’ailleurs renforcés par son père, Aimé Vénec, qui récupérait des morceaux de boîtes de sardines qu’il clouait dessus.
Evidemment, la vie de notre ami de Coat-Tan n’était pas que loisir, qu’amusement. Hélas non ! Il y avait aussi l’école !
Les enseignants de l’Ecole des Frères l’auront surtout marqué à travers les raclées administrées. Une fois, il s’évanouit même ! Et pas question de se plaindre à son père, celui-ci lui en aurait remis une autre !
J. Vénec n’avait qu’une hâte, comme beaucoup de jeunes de son époque, quitter l’école et commencer à gagner sa vie, et ceci malgré l’insistance de ses parents et l’application des enseignants.
Aujourd’hui, 65 ans après, s’il ne garde pas un bon souvenir de sa période scolaire, il n’a pas, en revanche, de rancune envers ses instituteurs.
A cette époque, il avait d’autres centres d’intérêts : la ferme et surtout les chevaux.
Pendant les vacances, il s’en va parfois chez son oncle, J. Marie Pelleau, près du fort du Questel. La tante Soaz ne parle que le breton. Là, il côtoie ses grands cousins, et a droit de conduire les chevaux (parfois au galop) ou d’être sur le manège. De même, il s’en va aussi chez un autre oncle, Y. Le Guen, à Queledern, près du Buis, et là aussi, il conduit les chevaux. Et qu’il se trouvait bien le soir à s’endormir dans le lit clos !
S’il connaissait bien le fort du Questel, il lui arrivait aussi de fréquenter celui de Kéranroux, du moins lorsque le “Père Madec”, le gardien redouté, le permettrait. Les douves de ces forts étaient d’ailleurs utilisées pour y mettre des chèvres, des juments avec leurs poulains.
Voici rapidement évoquée une jeunesse dans un quartier du St-Pierre des années 30. Une jeunesse que notre ami Jean Vénec estime avoir eu simple, heureuse, à la campagne. Une campagne qu’il continue de fréquenter au cours de ses nombreuses promenades.


J.P MADEC