ECHO DE SAINT-PIERRE N° 93 - Juin 1997

Une Balade dans le passé de la Rive Droite...


L’actualité de cette année a été riche en célébrations répercutées par l’Echo. Elles nous suggèrent quelques jalons dans l’évolution des paysages de la Rive Droite depuis un demi-siècle. Les besoins de la reconstruction, la croissance démographique, et l’exode rural des années 50 et 60 ont profondément remanié le paysage, qu’il ait été de la ville ou des champs, il y a une cinquantaine d’années. Les moyens de ce voyage dans le temps ? Les archives, y compris celles de la presse locale, et l’appel aux souvenirs des anciens, par Mémoire de Saint-Pierre notamment.

Sans prétendre être exhaustif, évoquons quelques étapes, en repassant à l’envers le film du temps. Commençons par les années 90, marquées par la volonté de revitaliser la Rive Droite : c’est bien sûr le réaménagement des Quatre-Moulins, entre avenue du Polygone et îlot de la mairie annexe. Le tissu commercial y est assez dense et actif, on y trouve équipements culturels et associatifs, comme au bourg de Saint-Pierre. Voilà les deux pôles marquant l’alignement interminable des rues Anatole France et Victor Eusen. Mais, c’est aussi le réhabilitation des HLM des années 60 et, bien sûr au-delà dans le temps, le dégagement des forts du XVIIIème siècle, Montbarey et le Questel, que commencent à cerner les nouveaux quartiers de pavillons.

Les années 80 ont vu abattre les dernières baraques du Polygone, et monter les immeubles au Point du Jour, encadrés par des espaces verts bien différents : le parc d’Eole sur la butte du Polygone, voué au Dieu des “Ti Zef”, et les terrasses débroussaillées de Kervallon coulant vers la Penfeld et la Porte de l’Arrière-Garde. Aux deux bouts de notre axe France-Eusen, la Place de la Porte et la Place Quilbignon marquent les bornes du parcours de Jean Quéméneur, lors de la fête des Yannicks.

Remontons aux années 70 qui voient pousser en pleins champs deux nouveaux quartiers. La Cavale Blanche, à l’urbanisme tout en “pétales” et en verdure, fait face à la cité verticale de Bellevue. Quant à Kéranroux, qui devait accueillir les habitants des baraques avant leur installation définitive à Kérédern ou à Pontanézen, ses hôtes se sont attachés pour de bon à cette “cité de transit”.

Encore un tour en arrière ! Les années 60 voient cohabiter sur les vieilles photos, les vaches et les HLM tout neufs de Kérourien ou Kérargaouyat, les baraques et les immeubles de Kérangoff. On se résigne parfois difficilement à quitter le provisoire chaleureux (au sens figuré du terme !) de l’après-guerre.

Jusqu’au milieu des années 50, on passe d’une rive à l’autre par le périlleux “pitit pont” ou par un long détour par le tout jeune Pont de d’Harteloire ou par l’Arrière-garde. Il faut vivre dans une ville double, entre la future cité monumentale du plan Mathon et la géographie vivante des quartiers qui s’organisent dans les baraques, à Kérangoff, au Landais, au Polygone...

Et le film s’arrête aux images de Brest dévasté, tel qu’on le voit à la Maison de la Fontaine à Recouvrance, rare témoignage du Brest historique...
Les plans anciens montrent la coupure des remparts entre la surpopulation de Recouvrance et la dispersion des fermes et des hameaux au-delà de la Porte du Conquet et de Prat-Lédan. Mais le site n’a guère changé sur cette rive, et les noms anciens sont là pour rappeler le paysage disparu. Dès cet été, nous vous inviterons dans les prochains numéros à débusquer le fantôme d’une garenne ou d’un lavoir au détour d’un immeuble ou d’une rue tranquille entre ses pavillons. Puissiez-vous nous accompagner dans ces promenades, et souffler à l’Echo vos propres découvertes.
P. MOUSSU

LES RATS BLEUS

Cela va faire sourire plus d’un : “voir les rats bleus était synonyme d’avoir abusé de la bonne bouteille”.
Et pourtant, je me souviens, ainsi que beaucoup d’anciens, en 1938, les secteurs de Kervallon, la Chapelle Jésus, le Point-du-Jour, ainsi que le Bouguen et Kerhallet, virent apparaître une nouvelle espèce de rats. Ceux-ci étaient plus petits que les ordinaires, et doués d’une agilité surprenante.
Très prolifiques, en une année, ils gagnèrent les maisons et les fermes des deux rives, mais surtout, ils étaient bleus. Leur poil très ras avait les reflets de la taupe.
Je revois encore M. C.... du vieux Point-du-Jour se rendant “au bon pinard” montrer un spécimen à l’un de ses copains. Ah ! il ne veut pas me croire, des rats bleus, rira bien qui rira le dernier.
Ces rats étaient, sans doute, venus d’Espagne, car fuyant les armées de Franco, plusieurs bateaux et péniches espagnoles avaient été autorisés à jeter l’ancre entre le Pont de la Digue et celui de Kervallon (le tablier central pouvait se lever). Quelques années plus tard, les péniches sont parties et les rats aussi. Ce n’est plus qu’un souvenir.

J. POCHART