ECHO DE SAINT-PIERRE N° 95 SEPTEMBRE/OCTOBRE 1997
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LE FINANCEMENT DE LA COUPE DU GOEMON (1774)


L’ordonnance de la Marine de 1681 élaborée par Colbert, fixe la réglementation en matière de récolte du goémon. Cette ordonnance a été modifiée en 1685 afin de s’adapter aux particularismes de la Province de Bretagne. Elle sera suivie en 1772 par une déclaration royale rappelant l’interdiction faite aux non riverains (qualifiés de forains), d’en faire le commerce. De plus, un calendrier est imposé, concernant la saison de coupe autorisée. Tous les riverains qui feront la déclaration, pourront couper le goémon, pour l’usage d’engrais, de janvier à mars, et pour la transformation en pains de soude du 1er juillet au 1er octobre de chaque année.
A noter que le ramassage du goémon épars (ou épave) rejeté à la côte après les tempêtes, est libre de toute réglementation. Ceci étant la règle générale, il semble qu’il y avait des particularités propres à certaines paroisses côtières comme l’indique un échange de courrier entre l’évêque du Léon et le recteur de St-Pierre-Quilbignon.
Le recteur de Quilbignon, Jean-Baptiste Daniel, en poste depuis 1750, s’explique sur ce sujet dans une réponse qu’il effectue en 1774 à l’adresse de Mgr de La Marche, évêque et comte du Léon “quant aux observations que votre grandeur me demande, dans sa lettre circulaire, au sujet du goémon qui se coupe, tous les ans, le long de la grève qui donne sur ma paroisse, je pense, sauf correction, qu’il serait à propos de suivre l’ancien usage, en laissant au marguillier, la liberté, en déposant au greffe de la Marine une copie de la délibération qui regarde la coupe du goémon, d’en payer le dépôt”.
Cette attitude semble généreuse puisqu’elle laisse au représentant de la fabrique (le marguillier), le soin d’effectuer et de régler les formalités réglementaires en matière de coupe du goémon. La fabrique étant le conseil paroissial, issu d’une assemblée annuelle des paroissiens, qui avait pour vocation de gérer et d’entretenir les biens de l’Eglise en fonction des offrandes et autres dons qu’elle recevait.
En outre, les représentants de la fabrique, fixaient chaque année, par délibération, les dates de cette coupe en tenant compte notamment des grandes marées.
Mais la suite de la lettre du recteur nous éclaire sur sa volonté de ne rien changer aux usages : “ce n’est qu’une avance que fait l’église, parce que c’est l’usage dans ma paroisse, que le dimanche suivant la récolte du goémon, les goémoniers triplent leurs aumônes en faveur de l’avance faite par l’église, ce qui ne serait plus s’il en était autrement”.
Le brave recteur ne peut être plus clair, pourquoi charger une formule qui rapporte. D’autant qu’il rajoute que dans le commerce des cierges, il en va pareillement, son déboursé initial étant largement compensé.
Afin d’être bien compris, il se permet une dernière précision : “il serait difficile et même injuste de répartir sur la capitation (impôt payé par tête) une somme de vingt sols, parce que les goémoniers ne sont pas les mêmes tous les ans”.
En ces temps difficiles, l’ancien usage avait du bon puisqu’il évitait, selon le recteur, d’alourdir l’impôt sur l’ensemble des habitants, en laissant aux seuls goémoniers le soin de faire leur offrande à l’église.

M. BARON


1 sol = 1/20 de livre,
20 sols = 1 livre
20 sols équivalaient à 2 jours de travail pour un journalier.