Témoignage d’un habitant de Kerangoff, sur la vie à Brest durant l’occupation.



Lors de l’exposition photos sur la vie en baraque à Kerangoff, j’ai rencontré Mr Lievens qui m’a conté un événement signalé dans la bande dessiné de Jocelyn Gille aux Editions de la Cité Le Télégramme. Il m’a fait remarquer que l’avion abattu par la D.C.A Allemande n’était pas tombé rue Anatole le Braz, mais rue Brizeux, actuellement rue Bérangé. Partant de cet événement voici le témoignage.
Le 24 Juillet 194, une formation de forteresses volantes venant d’Angleterre lâche sur Brest plusieurs tonnes de bombes. C’est le premier raid des forteresses et un des plus importants.
Mr Gélébart vivait au n°4 de la rue Anatole le Braz, installé dans la mansarde de son logement, inconscient du danger qu’il court en pleine alerte, il observe l’approche des avions, il dit à Mr Lievens père,son voisin.
- Tien celui là est touché.
Quelques instants plus tard l’avion s’écrase dans le jardin de Mr Bizien, dont la maison se trouve juste à l’intersection de la rue Anatole le Braz et Brizeux. Malheureusement un des réservoirs de l’avion s’est décroché et vient percuté la maison de Mr Gélébart. C’est l’embrasement, il y perdra la vie.
Les Allemands interviennent rapidement, car à Kerangoff existent plusieurs batteries de D.C.A, canons quadruples de 20 mm et canon de 37. Mr Victor Euzen se rend également sur place.
Les corps des membres de l’équipage enveloppés, dans des draps prêtés par des voisins, sont enterrés au cimetière de Kerfautras.
Les maisons côté mer de la rue Brizeux ont été détruites par les Allemands, pour dégager le secteur de tir de la batterie. Les poutres de ces maisons ont d’ailleurs servi à Mr Lievens pour fabriquer un abri provisoire, mais une bombe le pulvérise. Par chance personne ne se trouvait à l'intérieur.
La vie à Brest sous l’occupation n’était pas très facile, on s’en doute: bombardements, restrictions en tous genres et surtout manque de nourriture.
Pour s’en procurer, Mr Lievens allait jusqu’à Milizac, mais bien souvent faute d’avoir quelque chose à échanger, il s’en revenait bredouille et aussi sans manger. L’arrière de la maison qu’il occupait donnait sur le cinquième fort de la plaine de Kerangoff, où était installé un canon de 37 mm antiaérien.
Pour pallier le manque de nourriture, il élevait des lapins et allait dans le “champ maritime” leur couper de l’herbe ou des pissenlits. Ce champ maritime se trouvait entre la route de la corniche et la falaise, on y accédait par un petit chemin et un escalier de la rue Brizeux.
Il se souvient de sa communion en l’église de Kerbonne la joie n’était pas au rendez vous.
Les écoles de Brest étaient fermées et c’est à Lesneven qu’il passe son certificat d’études.
A 12 ans il travaille à la base sous marine et donne un coup de main à son père qui fait des déménagements avec une voiture à bras, puis avec deux chevaux. La montée de la côte du gaz en poussant la voiture à bras contenant une barrique de cidre qu’il venait de prendre à la cidrerie reste dans sa mémoire.
L’ors de l’évacuation de Brest, pendant le siège, il quitte précipitamment sa maison laissant presque tout derrière lui. Il est hébergé avec sa famille à Plougastel une quinzaine de jours. Son père est blessé au pied par un éclat d’obus, lui se fait mordre par son chien et est obligé d’aller se faire soigner à Landerneau. Après s’être égaré sur la route, il retrouve son père à l'hôpital de Saint Sébastien.
Il termine la guerre à Lesneven où il monnaye ses connaissances en math contre du pain.